1794-1795 : rappel historique
C’est une période très trouble de l’Histoire de France. La France est dirigée par une Convention Nationale de plus de 700 députés… sans réelle constitution durant 15 mois
entre la chute de Robespierre le 27 juillet 1794 et l’installation du Directoire le 2 novembre 1795 avec une nouvelle constitution. Après le règne de la Terreur mené par
les Jacobins (20 000 à 40 000 morts), des efforts sont tentés pour ramener une stabilité en France en restaurant la liberté de religion, favorisant le retour des émigrés,
instaurant le capitalisme ! Cependant un esprit de revanche s’installe chez les hommes politiques et chez les émigrés, les uns pour sauver la Révolution les autres pour
restaurer la Royauté : c’est la chasse aux Jacobins, des « terroristes ». Des troubles éclatent en Province accompagnés d’une terrible famine durant l’hiver 1794.
Aux crimes politiques s’ajoutent des opérations crapuleuses menées par des bandes de brigands. La Convention nationale envoie des représentants en mission dans les
Provinces pour assurer la « dejacobination » du pays. Pour le Vaucluse, la Drôme et l’Ardèche ce sera Jean Debry, député de l’Aisne, envoyé en décembre 1794 à Avignon.
Projet d’attentat sur Jean Debry 
Le 9 février 1795 Jean Debry dîne chez le marquis de Brantes avec Antoine Polier, un aventurier suisse richissime qui habite au Pontet au château de Rosety, acheté en 1792.
Habitué des lieux, Jean Debry, « le représentant du peuple » ce soir-là part pour Avignon laissant Antoine Polier rentrer seul en son château. Bien lui en a pris : le château
est envahi par une bande d’hommes armés qui viennent chercher un Robespierre que nous savons être caché dans cette maison. Ils tuent Antoine Polier à son arrivée. Voilà la version
officielle.
En réalité, c’est une bande de brigands qui vient pour dévaliser le château, la fortune de Jean Polier étant connue de tous, opération qui se transforme en assassinat.
Jean Debry, prévenu très tôt, envoie quelques dragons : huit brigands sont arrêtés rapidement, quatre autres ultérieurement. Ils sont jugés le 18 mars 1795. Onze sont condamnés
à la peine de mort et sont exécutés le lendemain sur la place du Palais des Papes.
Deux cairannais parmi les brigands
Olivier Payan
Olivier Payan l’un des meneurs est né à Cairanne le premier mai 1765. Il a 30 ans au moment des faits. Sa généalogie est connue .
Il se présente comme marchand de chevaux. Après l’assassinat de Polier il est arrêté à Béziers avec un complice et trois malles remplies d’objets volés. Il est ramené à Avignon enchainé car il se rebelle au moment de son arrestation.
Le tribunal se penche sur son passé : assassinat et vol d’un aubergiste du Pontet, assassinat de cinq personnes et vol au château de Tavel prés de Beaucaire et maintenant un complot contre un représentant du peuple (Il aurait demandé lors de l’arrivée de la voiture de Polier si Debry était dans la voiture)
Dernière accusation : Olivier Payan avait plusieurs complices parmi lesquels se trouvaient des femmes attirées à ce genre de vie par la licence et le libertinage le
plus effréné …
Jean-Claude Chauvin
Né à Cairanne, c’est écrit partout mais il n’apparait pas dans les baptêmes de Cairanne. Chauvin est un patronyme de Cairanne. Cependant le tribunal le
désigne ainsi : « un quidam se faisant appeler Joseph et nommer Jean-Claude Chauvin ou Sauvin se faisant appeler Louis Allard natif de Dijon avec un faux passeport ».
Il se dit marchand colporteur.
L’accusation est simple : il a voulu arracher à la vie un représentant du peuple.
Le jugement du 18 mars 1795 est sans appel : ils auront la tête tranchée ainsi que leurs huit complices ce qui fut fait un jour après le jugement.
Quatre femmes furent condamnées à 14 ans de maison de force et trois libérées.
Conséquences de leur action
Jean Debry informe la Convention à Paris de ce vol avec assassinat le 20 février. L’affaire est instrumentalisée. Voilà nos cairannais et leurs acolytes transformés en
complotistes voulant attenter à la représentation nationale. Ruebelle, autre député, déclare que les brigands étaient des employés de l’ancienne tyrannie, du despotisme de
Robespierre . Et il dénonce l’anarchie qui règne dans les campagnes du Midi et
de la participation de Jacobins à des braquages.
Au nom des comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation , trois jours après le 23 février, le Président de la Convention Merlin de Douai fait voter
deux décrets de répression anti-terroristes qui obligent les témoins de la Terreur de 1794 à être désarmés et à demeurer sur place, les condamnant à la vindicte populaire.
C’est le début de la Terreur blanche : des massacres ont lieu à Lyon, Marseille, Aix en Provence. Elle durera jusqu’en novembre 1795.
À Avignon, le 27 juin 1795, les membres du tribunal révolutionnaire d'Orange, qui avaient envoyé 332 personnes à l’échafaud un an avant, sont massacrés, et leurs corps jetés
dans le Rhône.
Voilà pourquoi ce vol qui n’était au départ que de droit commun a influencé en l’accélérant la « réaction anti-terroriste » de la Convention favorisant
un climat de violence. La Convention décrètera même l’arrestation de neuf de ses propres députés !
Qui était Antoine Polier, la malheureuse victime (1741-1795) ?
La biographie traine un peu partout sous Internet : d’origine suisse, il part en Inde, y reste 36 ans. Ingénieur, militaire, commerçant, trafiquant, confident de potentats locaux,
il y fait fortune. Loin de ces aspects mercantiles, il se passionne pour la culture orientaliste, réunit et étudie une collection de manuscrits, sanskrits, persans et indiens.
Ecrivain, il publie sur l’histoire locale. Tous ses travaux se retrouvent dans les grandes institutions européennes.
La Bibliothèque nationale de France possède un fond Polier !
Il s’expatrie de Suisse pour venir en France au Pontet au pire moment de la Révolution française. En 1792, Il achète le château de Rosety et un domaine de 135 hectares au Pontet.
Comme toujours, les historiens divergent : pour l’abbé André , l’estime générale dont il jouissait
grâce à son esprit de modération, l’avait fait admettre dans la nouvelle municipalité d’Avignon . Pour
Joudou , en 1793, lors d’un passage de troupes, le général du moment s’installe au
château Rosety. Il y avait chaque jour sous les ombrages des jardins délicieux, bonne table, vins exquis, musiques, causeries. Nos officiers se croyaient vraiment transportés
dans les riches habitations des bords du Gange. C’est dans une de ces réunions gastronomiques où les têtes échauffées par les fumées de champagne ne rêvaient que d batailles
et combats que fut arrêtée la malheureuse expédition de l’Isle…
En 1794-95, la disette afflige la France, la misère est partout, le château de Rosety et son
Nabab ne pouvaient pas échapper à la cupidité des brigands.
Gérard Coussot
Summary: In 1795, the French Revolution was in the middle of a crisis, with the abuses of some politicians and the desire of others of coming back to the old political
regime. Central power in Paris was weakened, and anarchy reigned throughout France, with widespread insecurity. Two Cairanne residents who wanted to steal a Swiss citizen,
who was living in Le Pontet, murdered him. The Central power turned into as a political murder in order to implement police measures that will lead to six months of political
opponent murders.
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 ADV, 7L55.
source : le Dauphiné Le château Rosety.
Classé monument historique en 1993, il tombe en ruine aujourd’hui, l’administration ayant refusé différents projets d’aménagement.
 Merci à JP Imbs.
 ADV, 7L25, 7L30.
Source : musée Rietberg (Zurich) Une représentation d’Antoine Polier en habit local avec son harem. Image caricaturale de l’époque à
faire fantasmer les lecteurs !
 G.Colas, Fr Richard, Le fonds Polier à la Bibliothèque
nationale , Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient, 1984.
 Abbé André,
Histoire de la révolution avignonnaise, Carpentras, 1844.
 )J-B Joudou, Le premier coup de canon de Napoléon-Bonaparte,
Revue de Marseille 1859.
 Dr Barjavel, Un Nabab dans le département de Vaucluse,
Revue de Marseille et de Provence, 1860.
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