Le scénario théorique des manœuvres
Le scénario comprend :
- Le 14e corps d’armée avec 633 officiers, 18 175 hommes de troupe et 1 941 chevaux.
- Le 15e corps d’armée avec 623, 17 297 hommes de troupe et 2 152 chevaux.
L’ennemi, le 15e corps d’armée, en provenance d’Italie, se dirige vers la vallée du Rhône pour s’emparer de la ligne de chemin de fer à Bollene. Le 14e corps d’armée,
venant de Lyon, stationné à Grignan et Valréas, doit arrêter l’ennemi au niveau de Suze-la- Rousse. L’ennemi bat en retraite et se regroupe au sud de Sainte-Cécile
au château de Ruth pour une contre-attaque. Celle-ci échoue et le 15e corps doit repasser l’Aygues.
Pour cette dernière phase, deux promontoires d’observation : Cairanne et Lagarde-Paréol. Un poste téléphonique est installé à la porte du Sergent.
Un plan de réquisition de logements pour cantonner les troupes est établi pour les villages environnants sauf pour Cairanne.
Visite ministérielle
Une délibération du conseil municipal de Cairanne nous apprend
: le 13 septembre, vers 4 heures du soir, le général Billot, ministre de la Guerre, est
arrivé sur la place de la mairie. Il était accompagné du Général Boulanger et de deux capitaines d’Etat-Major. Il s’agit bien sûr du vieux village, la mairie
est installée au donjon et l’école au Pontet n’est pas encore construite. Le général Billot est arrivé à Orange le 11 septembre par le train. Après cette inspection à
Cairanne, il repart au château de Rochegude, où il loge chez la comtesse de Guilhermin . (A-t-elle demandé des indemnités de logement ?).
Le maire de Cairanne rapporte aussi la visite du général de cavalerie Chevals ainsi que le général de Brigade Hervé.
Que du beau monde !
Hélas, la météo
Il pleut depuis plusieurs jours, l’Aygues est infranchissable à pied. Le beau scénario est remis en question. Le 15e corps qui devait traverser la rivière sur un large front
entre Cairanne et Camaret est condamné à utiliser les ponts de Sérignan et de Cairanne. Cairanne devient une ville de cantonnement et va abriter successivement :
-
Le 9 septembre : 26e régiment des dragons (400 hommes, 400 chevaux).
- Le 13 septembre : 3 bataillons du 61e régiment d’infanterie de ligne (700 à 1 000 hommes) et 2 batteries artillerie du 38e régiment d’artillerie de Nîmes : 200 hommes,
200 chevaux.
Les Cairannais et la mairie ont dû être bien démunis devant cette invasion non prévue. Il faut des abris, de la paille pour coucher les soldats plus de la nourriture,
celle des chevaux et une source d’eau abondante.
Dans un document de 1877 qui recense les possibilités de cantonnement et de logement de
tous les villages de Vaucluse, nous avons pour Cairanne :
-
Nombre d’habitants : 1007
- Nombre de maisons : 265
- Nombre d’hommes pouvant être cantonnés (maisons, écuries, abris) : 1 500 (où ?, chiffre impressionnant !)
- Nombre de chambres pour officiers : 4
- Nombre de places pour les chevaux : 470 (chiffre impressionnant aussi !)
Première bataille à Suze-la Rousse le 14 septembre
Curieusement, il n’y a aucune archive militaire disponible, ni au Service historique de la Défense à Vincennes, ni à Avignon. Seuls les journaux de l’époque témoignent des engagements.
Le Petit Marseillais du 14 septembre, façon lyrique :
À six heures, toutes les dispositions sont prises de part et d’autre et l’armée est prête à engager la lutte. À 6h30, l’artillerie commence à tonner d’abord
sur un point puis toutes les batteries font feu. Le bruit est formidable. L’infanterie du 15e corps pousse vers Monsegur où se trouve le gros de la troupe du 14e.
Une vive fusillade s’engage. Vers 9 h l’action devient générale, les régiments d’infanterie des deux camps très rapprochés font les uns sur les autres un feu nourri.
À ce moment le spectacle est admirable vu du château de Suze-la-Rousse…
Deuxième bataille à Saint-Cécile-les-Vignes - Cairanne le 15 septembre
Après quelques escarmouches le lendemain matin, le 15e corps doit battre en retraite, se grouper autour du château de Ruth au sud de Sainte-Cécile, être mis en déroute
par le 14e corps et franchir l’Aygues.
Hélas, il pleut toujours l’Aygues est infranchissable, la bataille est annulée et le 15erentre cantonner à Orange par le pont de Sérignan, évitant ainsi une seconde
Berezina !
Conclusion
Nous citons le journaliste du Petit Journal :
De l’avis de tous les officiers que j’ai consultés, le 15e eut été victorieux ! Les manœuvres les plus hardies, les mouvements les plus rapides, les attaques les moins prévues,
les ripostes les plus soudaines lui sont reconnus. Les réservistes ont marché comme l’eussent fait de vieilles troupes aguerries et je vous assure que par les
pluies torrentielles dont je vous ai parlé le mérite est grand et sérieux.
Décidément, le scénario théorique est mis en pièce !
Mais Cairanne aura eu droit à une visite ministérielle !
Gérard Coussot
|
 ADV, Archives communales de Cairanne, 1D4
 ADV, 1M899
Source : Le Monde illustré
Téléphonie de l’époque : des fils en cuivre couverts de gutta-percha (latex) sont posés sur les arbres, les haies ou placés à terre.
  ADV, 2R68.
Source : association
Deuxième bataille prévue et annulée : l’Aygues est infranchissable. Le 15e corps repasse l’Aygues sur le pont de Sérignan pour aller cantonner à Orange. En violet le château de Ruth
 
Ce terme équivaut à déroute. Il rappelle la retraite napoléonienne de la Russie. Deux ponts sont construits sur la rivière Berezina ce qui permet à l’armée française
de s’échapper des attaques
russes mais en perdant beaucoup de soldats.
|