L’auteur de ce livre Jeff Danby sera présent à l’inauguration de la plaque commémorative du 80e anniversaire de
la libération de Cairanne les 25 et 26 août prochains
grâce à un soutien de la mairie de Cairanne.
Le lancement du débarquement en Provence et son contexte stratégique
Le débarquement des forces alliées en Provence réunissait 885 bateaux, 21 400 véhicules et 151 000 hommes, le second en importance après celui de Normandie. Il commença le 15
août 1944 au large de la baie de Pampelonne (Saint-Tropez) venant de Naples en Italie.
C’était l’opération DRAGOON sous le commandement d’A. Patch.
Ces forces étaient composées d’Américains avec leurs divisions blindées, de parachutistes anglais ainsi qu’une infanterie française.
Parmi celles-ci, le 15e régiment américain d’infanterie qui comprenait trois bataillons incluant des compagnies désignés par des lettres.
La compagnie L, pratiquement décimée durant le débarquement d’Anzio (attaque au Monte Cassini-Italie) en Janvier 1944, fut reconstituée par le Capitaine James Coles, qui sera
tué avant le débarquement.
Le remplaçant de James Coles, fut le 1er lieutenant Edgar Danby (1910-1944), grand père de Jeff Danby, envoyé en Italie début août 1944. Il était instructeur dans la 5e armée à Oran,
en Algérie, après le débarquement en Afrique du Nord des forces alliées en 1942. Il n’avait encore jamais connu le combat direct. La compagnie L était assistée d’une section de
tanks Sherman et de tanks lourds ainsi que de canons automoteurs par le lieutenant Finley qui s’opposait aux redoutables tanks allemands Panzer.
L’avance des forces alliés en Provence
Une fois à terre et de façon inattendue les alliés avancèrent rapidement contrairement à la campagne d’Italie. De son côté la 19e armée allemande avait reçu dès le 16 Août
l’ordre de repli général de France et se préoccupait plus de protéger son retrait que de défendre les positions qui avaient été acquises. Les forces allemandes furent
rapidement dépassées en Provence avec la quasi absence d’avions de la Lufthwaffe mobilisés sur le front de la Normandie.
Le Général allemand Wiese ne cherchait plus à établir une résistance aux forces alliées, sa préoccupation essentielle était de remonter la vallée du Rhône au plus vite.
C’était une retraite plus que chaotique, parsemée de problèmes logistiques par manque de matériel et d’attaques sporadiques. La 12e force aérienne américaine avec ses
Thunderbolts décima aussi lourdement les forces en retraite, abandonnant nombre de matériel et de cadavres d’animaux en plus des pertes humaines.
La supériorité numérique des alliés fût aussi largement consolidée par l’apport inestimable des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) qui conduisirent des combats risqués
en harcelant les forces allemandes souvent désorientées et/ou découragées par des opérations imprévisibles qu’ils qualifiaient de « terroristes ».
Les ravages créés par les FFI au sein de l’ennemi ainsi que les précieux renseignements fournis aux alliés ont grandement facilité l’avance de ces derniers qui entrèrent
souvent dans des villages déjà désertés par les forces allemandes. Ainsi il est reconnu que l’intervention des FFI a épargné des centaines voire des milliers de vies de
soldats américains.
Malgré tout, la progression des forces libératrices fût nettement ralentie par des difficultés logistiques et en particulier le manque d’approvisionnement en carburant des
tanks et véhicules, la destruction des ponts et routes.
Ainsi Toulon et Marseille furent libérés par les FFI en quelques jours avant l’arrivée des troupes alliées alors qu’on s’attendait à plusieurs semaines de combat.
S’ensuivit la libération d’Aix-en-Provence où pour la première fois il y eut un affrontement sans graves conséquences avec les redoutables Panzer. Avignon, Cavaillon et
Orange ont été libérées le 25 Août, sans de réels combats.
Depuis le lieu de débarquement, les troupes lourdement chargées se divisèrent pour progresser vers l’intérieur des terres affrontant de longues marches difficiles sur
des routes sinueuses, en mauvais état, sous un soleil de plomb et sous la menace potentielle de canons antichars et de tirs ennemis. Au matin du 17 Août, le 15e
régiment avait traversé le massif des Maures en vue de la vallée de Brignoles, point clé pour le contrôle de la nationale 7, Saint- Maximin fut atteinte le même jour l’après-midi.
La chaleur et les tenues inappropriées des militaires américains (souvent en laine) ajoutèrent à la pénibilité de l’avance notamment pour les soldats des chars Sherman dont
l’intérieur était exigu, inconfortable, non ventilé. Au 4e jour du débarquement les pertes des alliés restaient encore très légères sachant qu’aucun grand combat n’avait encore pris place et que la
résistance allemande fût légère.
L’approche de Cairanne
Le 25 août, le 15e régiment d’infanterie parti d’Apt se dirigea vers l’ouest le long du Cavalon, affluent de la Durance, avant de bifurquer vers L’Isle-sur-la-Sorgue et
Pernes-les-Fontaines pour atteindre, sans aucune résistance Carpentras et la sécuriser dans la soirée. Le manque d’approvisionnement en carburant et pièces détachées
immobilisa le régiment qui ne put repartir que partiellement le lendemain matin, le 1er bataillon en direction d’Orange via Sarrians et Jonquières, le 2e bataillon bloqué à
Apt par manque de carburant ne put finalement repartir que le 26 au matin et parvint à rejoindre Jonquières vers midi où il découvrit, sur le terrain d’aviation du Plan-de-Dieu,
un Junker JU 88 ainsi qu’un chasseur de nuit et des canons anti tanks abandonnés par l’occupant, le reste du site ayant été totalement dévasté. Le 3e bataillon s’orientait vers
Violès et Cairanne. Son avance était lente car il était déjà gêné par une lourde chaleur matinale à laquelle s’ajoutaient les difficultés du terrain et notamment la traversée
de l’Aigues et de l’Ouvèze ainsi que des cours d’eau secondaires.
Beaucoup de ponts avaient été détruits pour ralentir la 19e armée allemande soit par les FFI, soit par les bombardements alliés mais aussi par les occupants dans leur retraite,
notamment le pont de l’Ouvèze près de Jonquières. Un temps précieux fût perdu dans la recherche d’un passage à gué entraînant un détour de 2 kms. Faute de carburant le 3e
bataillon était parti sans la couverture de blindés, l’avance se faisait donc avec beaucoup plus de précaution et en était ainsi ralentie. Le 26 août, une fois l’Ouvèze franchie,
ce bataillon, enfin rejoint par des tanks du lieutenant Finley, s’avança vers Cairanne qu’il atteignît vers 18h. Entre temps un message avait été transmis indiquant que 2 000 soldats ennemis pourvu de tanks et d’artillerie se tenaient sur les hauteurs de Cairanne, alors qu’en réalité ils étaient au nord de Tulette.
Le passage à Cairanne des troupes à pied fut relativement bref car par chance, le pont sur l’Aigues rejoignant Saint-Cécile n’avait pas été détruit et le Lt Colonel
Boye envoya immédiatement une patrouille blindée vers Sainte-Cécile qui continua jusqu’à Rochegude où quatre retardataires allemands furent capturés. Cependant cet élan
fût encore brisé par le manque de carburant et l’objectif d’atteindre Montélimar dans la soirée du 26 août était devenu irréalisable.
Le 27 aout, dès 4h du matin, après une brève et inconfortable nuit de repos, les troupes se mirent en route, les 4 tanks de 33 tonnes du Lt Finley restèrent à Cairanne par
manque de carburant qui n’arriva que vers 9h du matin. Ils purent repartir et prendre la tête du 3 e bataillon à Suze-la-Rousse qui était le point de concentration des troupes
stationnées dans les alentours. Le pont sur le Lez n’avait pas été détruit mais était lourdement miné et il dût être sécurisé afin de poursuivre la route vers le prochain
objectif, Saint-Paul-les-Trois-Châteaux. Puis il fallut affronter une position de défense ennemie à Chartroussas (La Garde-Adhémar) rapidement détruite par la compagnie L.
Le soir du 26 août à Cairanne, le lieutenant Edgar Danby avait pris le temps d’écrire à sa famille une lettre dans laquelle il décrivait sa satisfaction d’être enfin au
combat direct en dirigeant un peloton de tanks légers et réassurait les siens quant à sa prudence.
Encore une fois, la population locale (de Cairanne) fût extrêmement coopérative en fournissant de la nourriture, des données sur l’ennemi, les voies de passage possibles et
leur état alors qu’elle vivait coupée du monde, sans information générale sur la situation française, sans ravitaillement, ni électricité depuis quelque temps.
Les violents combats autour d’Allan dans la Drôme
La route vers Montélimar passe par à Allan, alors peuplée de 400 habitants, emplacement stratégique situé à 5 kms de Montélimar où les troupes ennemies avaient établi
leur QG pour la défense de leur repli. La population avait été prévenue par les Allemands d’une prochaine et sérieuse confrontation et elle quitta le bourg pour aller se
réfugier dans le vieil Allan abandonné. Six FFI avaient été fusillées dans cette commune.
C’est certainement un des plus violents et meurtriers combats de la libération du Sud qui eut lieu alors dans et autour de ce village.
C’est ainsi que dans l’après-midi du 27 août lors de l’approche du centre d’Allan un obus dévastateur anéantit le tank du Lieutenant Danby en traversant le blindage et
en explosant dans la cabine du tank lui portant ainsi un coup fatal ainsi qu’ à ses deux compagnons dans la tourelle ; miraculeusement les deux hommes du compartiment de
conduite légèrement atteints survécurent tandis que les hommes assis sur le pont arrière du tank ne furent même pas touchés.
Ainsi périt cet homme si désireux d’un affrontement direct avec l’ennemi qu’il n’eut que peu de temps à connaître car en réalité ce fût son premier combat.
La prise d’Allan se révéla très coûteuse en homme et en matériel puisque la compagnie L réputée pour sa discipline et sa résilience y laissa 20 % de sa force de combat dont
13 prisonniers, 5 morts et 7 blessés. Le 29 août, Montélimar fut libérée par le 15e régiment d’infanterie plus deux autres régiments de la 3e division
d’infanterie avec plus
de 600 morts, 1500 blessés et 800 prisonniers allemands ainsi que 500 véhicules détruits
Un coûteux bilan pour un retour à la paix
On estime que cette bataille du Sud de la France qui dura un mois et prit fin vers le 15 Septembre 1944 entraîna la mort de 2 000 militaires américains et 2 500 blessés,
autant pour les combattants français mais aussi 7 000 militaires allemands tués et 21 000 blessés, soit un bilan meurtrier considérable.
L’accueil des forces libératrices par les citoyens français était empreint de surprise, de joie, d’excitation mais aussi d’une profonde reconnaissance envers les militaires
américains qui étonnaient la population par leur jeunesse, leur énergie souriante, leur enthousiasme, leur sympathie ce qui changeait beaucoup de l’attitude fermée souvent
agressive des occupants. Beaucoup de militaires américains reçurent des vivres, du vin afin d’établir un partage. En retour les GIs ne manquaient pas de distribuer chocolat,
chewing-gums, bonbons, cigarettes à la population rencontrée. Ce grave épisode était une vraie sortie de cauchemar pour la population locale, le soleil brillait à nouveau
apportant de vifs espoirs d’une vie meilleure.
Résumé et traduction française : Denis VIGNAL
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  THE DAY OF THE PANZER, auteur : Jeff Danby, publié
par CASEMATE, 2008.
  Texte en italique, notes du traducteur.
Source : Jeff Danby
Couverture du livre"The day of the panzer"
Source : Jeff danby
Carte du débarquement dans le sud de la France. Aujourd'hui Saint-Tropez et la plage de Pampelonne évoquent les vacances
Source : Jeff danby
Carte de l'avancement des troupes US aprés le débarquement.
Source : Google earth modifié
Allan est situé sur un corridor de passage pour atteindre Montélimar: A7, TGV, D126
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