Le canal du moulin à blé de Cairanne
Ce canal est lié à l’existence d’un moulin à blé à Cairanne. Sa création date de 1439 .
Le point de départ du canal, sa longueur et son existence ont varié avec le temps et les
caprices de l’Aygues. L’eau est canalisée :
- soit par un canal alimenté par une source dite source Favier et le
canal du moulin à blé vieux de St-Roman-de-Malegarde
- soit en partie par le canal précedent puis par le lit de l’Aygues quand les terres sont emportées puis un nouveau canal
(en pointillés sur la figure suivante)
La source Favier est située sur le territoire de St-Roman à 1,8 km du moulin de Cairanne. Avant d'arriver à Cairanne, le canal est coincé entre l’Aygues et les falaises de Hautes-Rives.
Ce canal sert à faire tourner le moulin à blé de Cairanne mais aussi à irriguer les terres près de l’Aygues au lieu-dit Le Muzet dès 1564
Après le Muzet cette eau est reversée en partie dans l’Aygues et reprise par le canal du Rouzet pour une seconde irrigation après le pont suspendu.
L’alimentation en eau du canal de Cairanne est sur la rive gauche de l’Aygues tandis qu’en face, sur la rive droite,
il existe une prise d’eau pour le canal du moulin à blé de Sainte-Cécile.
Conflits de captage
Il faut remonter le temps :
Le 27 mai 1733, le seigneur de Saint-Roman, Melchior de Labeau-Berard, donne par concession à la communauté de Sainte-Cécile le droit d’user des eaux du canal de fuite du
moulin vieux de St-Roman et celles provenant des sources Favier pour l’arrosage de leurs terres. Le notaire
écrit que le père du seigneur a vendu la même concession aux
habitants de Cairanne en 1700 sous seing privé non confirmé par la viguerie d’Avignon et qu’il y a procès (que nous n’avons pas trouvé !).
Cette concession est annulée à la Révolution, les biens du dit seigneur étant saisis. Le moulin vieux et son canal sont vendus à un certain Delorme.
Jusqu’en 1833, les eaux du canal du moulin vieux de Saint-Roman avec celles de la source Favier sont déversées dans l’Aygues et reprises dans le canal de Cairanne.
À cette date, une association de 187 sociétaires de Sainte-Cécile achète le moulin vieux de St-Roman (30 juin 1833). Un coup magistral : les sociétaires contrôlent le moulin
et l’eau du canal ; ils peuvent ainsi détourner l’eau vers la prise du canal de Sainte-Cécile à travers l’Aygues, à sec l’été, privant les Cairannais de cette eau.
Ils achètent également la parcelle où est creusé le détournement !
Le règlement de l’arrosage est géré par une ordonnance signée du Roi Louis Philippe en date du 4 septembre 1840 .
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  ADV, ACCairanne DD5.
  ADV, Droits d’eaux.
  Notaire Gasparin de Cairanne, ADV, 3E 72/181, f°621.
Source : Source : ADV modifié
Plan général du canal, du moulin à blé et des zones d’arrosage. La distance entre la source et le moulin est de 1,8 Km. Le pont en grisé n’existe pas encore.
 BMA, 4° 9298.
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Source : association
La situation du Fond du sac au milieu du XIXe siècle
À gauche, dans le rond rouge la prise du canal du moulin de Sainte Cécile dans l’Aygues. Au centre dans le rond vert la prise du canal du moulin de Cairanne.
L’eau provient du canal du moulin vieux de St-Roman, rond jaune, et de la source Favier et passe le long de la rive droite de l’Aygues (en petits pointillés).
En haut, en grands pointillés, le détournement que font des propriétaires de Sainte-Cécile, objet du conflit. L’eau de la source Favier est canalisée dans un souterrain
avant d’émerger au point marqué. Nous ne connaissons pas la position de la vraie source.
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Nullement impressionnés, les Cairannais attaquent ce détournement, le juge de paix de Vaison leur donne raison mais ce jugement est annulé en 1845 par le tribunal d’Orange.
Les Cairannais portent alors leur réclamation devant l’autorité administrative. Le Préfet de Vaucluse est saisi ! Il prend un arrêté en 1852 qui leur donne raison,
le détournement est suspendu. Contre-attaque des adversaires qui font annuler cet arrêté pour excès de pouvoir du Préfet par le Conseil d’État (1854) et en faisant
référence à la concession de 1733 !
Mal conseillés ou un peu inconscients, les Cairannais contestent le décret du Conseil d’État devant… le Conseil d’État.
Le ministre des Travaux Publics s’en inquiète et demande au maire de Cairanne via le Préfet de bien préparer les arguments en s’appuyant sur des textes anciens notamment
les « réclamations anciennes qui ont été adressées à la cour de Rome avant la réunion du Comtat Venaissin à la France » .
Hélas, la veuve du sieur Fabre, celui-ci étant décédé, et le syndicat des arrosages de Cairanne sont condamnés à nouveau aux dépens (1858).
Par un mystère non élucidé, la source Favier un moment concernée n’est plus citée !
Il y a eu une autre alerte : en 1850, un certain Adrien Arnier détourne les eaux de la source Favier . Les Cairannais sabotent ce détournement,
s’adressent au préfet qui leur donne cette fois-ci raison, le détournement est supprimé !
Création des syndicats
Entre temps, les cairannais comprenant que l’union faisant la force forment Le Syndicat du Muzet et des Grands Prés en 1850 pour arroser des terres situées en amont du pont actuel.
Il comprend 70 parcelles, concerne 10 hectares de terre à arroser appartenant à une soixante de propriétaires.
Son premier objectif est de partager l’eau avec Sainte-Cécile et le second objectif est d’officialiser le captage de l’eau après le moulin à blé entre les membres et de
répartir l’eau. Une entente est trouvée avec le meunier Baptiste Cyprien Fabre qui recevra une indemnité. L’eau sera dérivée du canal au niveau du moulin du samedi midi au
lundi midi avec un réseau de distribution par martellière (ou vanne).
On peut imaginer les chamailleries à venir : aussi un « arroseur public », nommé par le préfet, est chargé de gérer la distribution de l’eau pour les 70 parcelles.
 ADV, 4Z145.
 ADV,7S361
  ADV, 7S4.
  Baptiste Cyprien Fabre : 1833-1910.
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Source : ADV
Le syndicat du Muzet et des Grands Prés représente 70 parcelles, 10 hectares et une soixantaine de propriétaires. Le rond vert localise le moulin à blé aujourd’hui
gîte des Platanes. Le trait en grisé situe le futur pont suspendu qui remplacera le gué.
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Fort de cette initiative, en 1863, un deuxième syndicat se crée pour les terres en aval du pont dit syndicat du Rouzet qui prend l’eau directement sur l’Aygues.
Sa justification s’appuie sur un acte de 1736 ! Ce syndicat a beaucoup de mal avec sa prise d’eau, tantôt emportée, tantôt située au-dessus du lit de l’Aygues.
Il cherche des solutions : barrage, prise en amont, creusement d’un canal, utilisation d’un tunnel existant près du pont suspendu, raccordement au canal du moulin,…
C’est pour assurer une meilleure alimentation en eau du canal de Cairanne que les syndicats du Muzet et du Rouzet souhaitent acheter les eaux de la source Favier à St-Roman.
Le syndicat du Muzet signe un compromis de vente avec 4 propriétaires de St-Roman en 1894 et demande au Préfet l’autorisation d’emprunter pour réaliser l’achat.
Cette initiative est un peu précipitée et illégale : treize ans d’aventures administratives et juridiques arrivent !
(À suivre)
Gérard Coussot
  Il y a même un acte de 1650, ADV, B300.
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Summary:Cairanne has a wheat mill whose wheel is powered by water brought by a 1.8 km long canal and coming from two points. The inhabitants of
Sainte-Cécile divert a water point to bring water to a canal from their mill across the dry Aygues in the summer. The Cairannais tried to close this diversion but the
courts ruled against them.
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