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Entretien fait avec avec Inès Michéle-Boudon en juillet 1984et animé par André Chiron et Anne Laberinto-Gridine. André : aujourd'hui avec Anne nous sommes venus nous promener du côté du Thor. Nous sommes venus à la cure chez Mr l'Abbé Chevalier, rencontrer Inès Michel.
Inès : Bonjour mon beau !
Cela me fait plaisir d'entendre mon beau, en, général on me dit mon laid !
Si ! Si ! Tu es beau !
Alors Inès, une question : Vous avez passé votre vie à Cairanne, vous êtes la gouvernante de l'Abbé Chevalier ; vous avez toujours été la gouvernante de
l‘abbé Chevalier ?
Ah non ! Cela ne fait que six ans que j'y suis.
Dans votre jeunesse comment ça s'est passé ?
Et bien peuchère, nous étions pas trop heureux, parce qu'il n'y avait pas trop de sous, badau (benêt), nous étions une famille nombreuse.
Que faisait votre père ?
Mon père était dans la farine chez un nommé Cyprien Fabre . Il charriait les ballots de farine et il les portait chez les boulangers.
II était charretier ?
Oui, il était charretier.
Et votre mère ?
La mère était couturière, elle tirait l'aiguille pour élever toute cette ninèio de petits et moi j'ai perdu ma mère à 5 ans. J'ai commencé de travailler à 9 ans.
On allait vendanger chez Mr Alary
; c’était de braves gens et sa dame de Mr Alary comprenant qu'on était une famille nombreuse nous donnait au goûter de la confiture de coings,
alors elle nous apportait une belle tartine de confiture de coings et on se régalait !Au travail, ma sœur était moins dégourdie que moi : elle avait trois ans de plus mais elle était soi-disant moins habile que moi alors on lui donnait 39 sous et à moi 40 sous : 2francs ! Je me suis toujours rappelée que ça faisait 2 francs. Et après quand vous étiez plus grande ?
Attends un peu ; après la guerre on a commencé à faire un peu jeunesse, Ça allait un peu mieux.
Vous avez toujours travaillé la terre ?
Malheureusement oui, parce que les parents n'avaient pas de quoi nous envoyer à l'école jusqu'à 16 ans pour user les fonds de culotte comme maintenant pour rien faire du tout.
Il fallait travailler !
Vous parlez si bien provençal et tout à l'heure vous avez dit : badau (benêt), d'où vient que vous parlez provençal ?
J'ai toujours parlé provençal.
Vous avez commencé de parler français à l'école? Vous n'êtes jamais allée à l'école ?
Si !
A l'école comment ça se passait ?
Cela se passait très bien. On avait Mme Guigue, vous l'avez connue Mme Guigue? C'était une bonne institutrice.
Elle ne vous interdisait pas de parler provençal ?
Ah non, non ! On parlait quand même français, mais nous autres on parlait tous patois. À l'école naturellement on parlait français.
Alors, on est venus vous voir pour parler un peu des vers à soie dont vous êtes une spécialiste.
Oui ! Des vers à soie, mais c'est ma pauvre mère qui s'en occupait.
Mais vous avez gardé l’habitude. Alors la graine ?
Oui, la graine c'était dans une petite boite comme ça. Alors quand on l'achetait qui, en prenait 100 grammes, qui, en prenait 30 grammes. Trente grammes ça fait une once et
ça faisait 30 canisses de vers à soie. Il y avait une petite boite, ils la trouaient et ils la mettaient sur le coin de la cheminée pour les faire éclore car ce sont des
graines imperceptibles, alors ça je m'en rappelle pas bien mais il fallait les surveiller. Quand la graine commençait à blanchir il me semble, ils la mettaient sur une
feuille et alors les bestioles mangeaient, et après je m'en rappelle plus mais il fallait mettre ça sur une feuille de journal tant que ça n'avait pas fini de grossir et
combien ça mettait du temps, je ne m'en rappelle pas et puis des fois Ia graine elles la mettaient à germer sous leurs jupes ou sur l'estomac, c'est vrai, je te demande un peu !
Et tu comprends, autrefois, on avait pas le chauffage central, alors on mettait sur la cheminée pour les faire éclore.
Mais Inès, combien de fois il fallait leur donner à manger ?
Deux fois par jour, le matin et le soir et des fois, trois fois, pardi ! Trois fois par jour !
Alors Inès la dernière semaine qu'est-ce qui se passe pour les vers à soie ?
La dernière semaine il faut bien les faire manger et après ils deviennent bien roux et là, il faut
mettre les bois pour faire les cocons. Et des fois j'allais chercher des feuilles de mûrier et le plus embêtant c'est quand il pleuvait parce que le ver
à soie est très délicat parce qu'il faut lui donner des feuilles propres et pas mouillées. Mon père allait couper des branches et il fallait les faire sécher les accrocher.
Est-ce que le ver mangeait des feuilles sèches ?
Ah non ! Il faut de la feuille fraîche, que de la feuille fraîche !
Dites-moi, à l'heure actuelle iI ne s'en voit plus guère ?
Non ! Malheureusement il n'y en a plus .
Cette soie, actuellement elle est trafiquée, c'est plus de la soie ?
Non , non, non ! Autrefois il fallait de la soie naturelle pour les avions, pour les aéroplanes, mais maintenant ils sont tous en fer, tu comprends, ils sont en tôle, ils n'ont plus besoin de soie naturelle Les cocons c'était une belle récolte sur un mois.
Et la maladie des vers à soie ?
La maladie certains la prenaient, comment ça s'appelait çà ? Ils venaient jaunes. Parce que le vers quand il est beau il devient gros. Nous, on a pas connu ça ; ils ont toujours été beaux.
Vous aviez un grenier pour les vers à soie ?
Oui; il y avait des trous, on y plantait des bouts de bois avec les claies sur plusieurs étages.
J'en ai encore à ma maison.
Moi j'en ai plus du tout.
Combien de temps il fallait les garder ?
Euh ! Un mois, d'abord la première...comment ça s'appelait ? La mue. Alors à Ia quatrième mue il fallait mettre les bois. Mais tout ça demandait une propreté. Il fallait mettre les feuilles de journaux et alors les vers mangeaient la feuille de mûrier et on entendait cra cra, cra oh ! les coquins !
Inès combien de fois par jour il fallait leur donner à manger ?
Euh, boudou ! Deux fois par jour et je sais pas, le matin ; le soir et peut-être trois fois.
Alors Inès, la dernière semaine, qu'est ce qui se passe pour les vers à soie ?
La dernière semaine il faut bien les faire manger et puis après ils deviennent bien roux, il faut mettre les bois pour faire les cocons, Avec la main tu écartais les bois comme ça pour faire Ie jas comme on dit et puis tout ça filait.
Et après il y avait les cocons ?
Le cocon il fallait bien une semaine, je ne me rappelle pas bien, mais une grosse semaine, oui sinon ça faisait des chiques.
Il y a une question que je voudrai poser. Et les papillons, la chrysalide, il y en avait ?
Non j'en ai jamais vu des papillons.
Après cette récolte il y avait le décoconnage , vous l'avez fait ?
On invitait tous les voisins, alors les uns défaisaient les bois, les autres mettaient les cocons dans les corbeilles. C'était intéressant. Oh que c’était joli !
il fallait pas tout enlever, il fallait maîtriser tout ça.
Et la soie, la soie, ça m'a toujours intéressé. Quand vous la leviez ça ne cassait pas ?
Si ! Ça cassait comme rien, mais ils se débrouillaient. Des fois ça se faisait à la machine, mais il valait mieux Ie faire à la main ;
nous le faisions à la main et après nous mangions les oreillettes. Nous n'étions pas payés, il n'y avait pas le Smig, c'était gratuit !Merci à Anne Laberinto-Gridine d'avoir transcrit cet entretien radiophonique. Summary: this columm is a written transcription of a resident of Cairanne born at the biginning of the 20th century: she relates life in the past with silk worms rearing and recalls the difficult conditions of the rural world in those days Ecoutez Inès : |
Mise à jour : le 15 juillet 2024 webmaster : Gérard Jacques Coussot |