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La chronique de octobre 2022

Rite de passage : le conseil de révision


point1 Merci à Bernard Pradier de nous avoir autorisés à publier cet extrait, écrit par son père René Pradier.


Source : famille Bonnet
Des « classards » bons pour le service
(Rasteau ?)


point2  Pour Cairanne, le chef-lieu de canton est Vaison..


Source : Gallica
La presse populaire prépare l’opinion à la guerre (23 avril 1911)


point2  Denis Alary, Extraits, Depuis plus de cent ans en Provence : un village, une famille, rapport dactylographié, Centre d’étude des techniques agricoles, 1972, BMA, 4° 19989..

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Définition d’un rite de passage

Extrait du livre Rites de passage de A. Van Gennep, 1909 :
La vie individuelle quel que soit le type de société consiste à passer successivement d’un âge à un autre et d’une occupation à une autre. Ce passage s’accompagne d’actes spéciaux. Et chacun de ces actes se rapporte à des cérémonies dont l’objet est identique : faire passer l’individu d’une situation déterminée à une situation tout aussi déterminée en sorte que la vie individuelle consiste en une succession d’étapes formant des ensembles du même ordre : naissance, puberté, mariage…
Il semble rationnel de grouper ces cérémonies suivant un schéma général: c’est l’étude des rites de passage… lesquels se décomposent en rites de séparation, rites de marge (ou commencement) et rite d’agrégation…


Exemple de rite de passage : le conseil de révision

Ce texte est de René Pradier de Serrigan-du-Comtat, il est caractéristique d’une époque pas si lointaine point1 . Le conseil de révision : il ne s’agit pas de coutumes mais d’une obligation, un devoir civique auquel étaient astreints tous les jeunes garçons français ayants atteints leurs vingt ans et tenus d’effectuer un service militaire. C’était la « Conscription ». Pour juger de leur aptitude à devenir soldats, ils devaient satisfaire à cet examen obligatoire : le conseil de révision. Tous ces conscrits, les « Classards » comme on les appelait, regroupés par commune de naissance, chaperonnés par leur maire se retrouvaient au chef-lieu du canton où avait lieu la cérémonie.
Arrivés dans la salle d’honneur d’Orange point2 , c’est tout un aéropage d’officiels qui vous accueillait, Monsieur le Préfet en grande tenue, messieurs les maires tous ceints de leur écharpe, des médecins, civils et militaires et d’autres devant qui cette bande bruyante un peu indisciplinée aller devoir défiler riant et plaisantant, nus comme des vers, essayant tant bien que mal de garder un peu de dignité.
Passant à tour de rôle devant le médecin, on écoutait le cœur, les poumons, la vue, l’ouïe. Un examen complet allant dans l’hilarité jusqu’à tester les attributs les plus intimes. Le manège terminé si tout allait bien, on vous déclarait « bon pour le service » sauf pour quelques malheureux handicapés qui se voyaient défensivement reformés.
La cérémonie terminée c’est alors que les traditions reprenaient tout leur sens et cette bande de joyeux fêtards dévalant quatre à quatre le grand escalier, toujours groupés par commune s’égaillaient à grand bruit dans les rues de la ville. Précédés d’un clairon, la poitrine bardée de breloques bleu, blanc, rouge ils ne passaient pas inaperçus au regard amusé et bienveillant des passants à qui ces excès devaient rappeler de bons souvenirs.
Après quelques verres généreusement offerts par des habitants, enthousiasmés par cette jeunesse qui venait, sans souvent le réaliser, d’entrer dans la vie civile c’était le retour au village à bicyclette où alors si on était assez nombreux, on s’offrait le service d’un voiturier dont le cheval aussi enrubanné que ses passagers semblait lui aussi participer à la liesse populaire.
Comment ne pas se remémorer ces entrées presque triomphales dans le village, flonflons, pétards, cris de joie, bravos rien n’était négligé pour manifester sa joie.
Restait une formalité à la laquelle il ne fallait pas se dérober, la traditionnelle bise à toutes les filles nées la même année, les « Classardes ».
Chaleureusement accueillis par leurs parents, c’est avec un verre de Cartagène à la main que l’on trinquait à la bonne santé et à ce jour mémorable. Et l’on repartait dans une autre famille puis dans une autre avec toujours le même accueil chaleureux et quelques verres qui s’additionnaient dangereusement.
Enfin c’était le banquet de clôture que la patronne du Café de France avait mitonné avec beaucoup de soins pour les jeunes affamés Ces jour-là végétariens s’abstenir ! Seuls avaient droit de figurer sur la table les charcuteries maison, les poulets, canards, ou pintades un gibier quelques desserts maison et j’ajoute que l’eau était interdite, je vous laisse imaginer dans quel état certains clôturaient la fête.
Depuis que le service militaire a été supprimé pour les appelés du contingent, le Conseil de révision n’a plus lieu d’être et a été abandonné. Il n’en reste que des souvenirs d’une journée de folie que ceux qui l’on vécue n’oublieront jamais.

On retrouve les trois étapes du rite de passage d’un statut d’adolescent à un statut d’homme :
Séparation : convocation au canton, séparation du milieu familial.
Marge (ou commencement): défilé nu devant les représentants de la nation. On doit y voir une seconde naissance pour la mère patrie et la valorisation de ce nouvel état : bon pour le service.
Agrégation : boire et manger ensemble, signe d’une union, d’une intégration à une société, à un clan, à une génération.

À Cairanne

Denis Alary donne une version plus sobre point2 :
En ce qui me concerne, je fis partie de la classe 1886. Avec tous mes autres camarades de Cairanne nés en 1866, nous étions 11 à nous présenter à la mairie de Vaison. Il y avait déjà eu comme prélude une farandole le jour de la foire de Cairanne (27 décembre) avec tambour suivis d’un banquet traditionnel… Il y avait habituellement bataille entre les conscrits de Vaison et ceux de Cairanne… Je m’étais arrangé cette année-là pour fraterniser avec mes camarades de Vaison. Nous allions à cette époque à pied à Vaison (15 Km) pour le tirage. Nous prenions au passage les conscrits de Rasteau et Roaix… Arrivés à Vaison, je pris la tête de la farandole accompagné de quatre tambours jusqu’à la mairie…
Alary tire un bon numéro limitant son service militaire à un an. Manque de chance, le ministre de la guerre supprime les bons numéros et oblige la classe à faire trois ans de service militaire.

Le service militaire obligatoire ou conscription

La conscription désigne le fait d’être considéré apte physiquement pour le service militaire par le Conseil de révision. Cet état fait la fierté des jeunes et l’évènement donne lieu à la fête des conscrits. Ce mot apparaît en 1798, dans la loi Jourdan-Debrel, qui établit l’obligation pour tous les jeunes Français âgés de 20 ans révolus d’être inscrits sur les tableaux de recrutement de l’armée. Ensuite l’armée procédait à un tirage au sort qui décidait si le conscrit allait faire son service militaire ou s'il en était dispensé. Il était possible aux élus qui en avaient les moyens de payer un remplaçant. Les élus et les remplaçants devaient passer devant un conseil de révision qui décidait s’ils étaient aptes à faire leur service militaire sur des critères physiques et ou médicaux. Après 1870, il n’est plus possible de se faire remplacer. En 1888, la durée du service est fixée à trois ans. En 1905, le service militaire obligatoire est institué. Le service militaire obligatoire pour tous les Français disparait en 1997.

Exemple de rite de passage : le « charivari » pour un remariage

Prochaine chronique.

Gérard Coussot

Summary: In the past, French young men had to do their military service. To be admitted, they had to go through a conscription step for medical examination. The selection criteria being completed, young men were then « good for service ». They used to celebrate this with a lot of drinking and noise.

Mise à jour : le 14 juillet 2024
webmaster : Gérard Jacques Coussot