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La chronique de décembre 2021

Mes souvenirs parfois douloureux
ou le cauchemar des facteurs


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Vous avez deviné : les chiens, mais il n’y a pas que les chiens !
Source : association



Source : association
J’avais, dans mes débuts de tournée, une grosse ferme au quartier de la Vitalis où il y avait un troupeau d’oies. Chaque jour ces bêtes se tenaient à l’ombre d’un gros laurier au bord du chemin et, lorsqu’elles m’entendaient arriver sur le gravier, elles venaient à mon avance, le jars en tête, les ailes déployées, le bec en avant et je devais lever les jambes bien hautes pour ne pas subir leurs morsures.
Un jour pourtant, je freinais fort et réussis à saisir le jars par le cou en le traînant jusque dans la cour où les propriétaires se tordaient de rire en voyant le volatile essayant de freiner des deux pattes. Lorsqu’enfin je le lâchais, il partit rejoindre son harem en caquetant certainement des injures en langage « oies ».
Je puis vous assurer que ce fût la dernière fois que le troupeau revint vers moi, m’ignorant, en se tenant bien tranquille sous le laurier, mais il y avait aussi à la ferme trois chiens bergers et, un jour qu’il pleuvait, j’eus l’imperméable mis en lambeaux au grand désappointement des propriétaires.
Ailleurs, j’ai eu aussi des accros au pantalon mais un seul propriétaire de chiens eut la courtoisie de me le faire rembourser par son assurance.
Dans une autre ferme il y avait un animal assez vicieux qui tournait autour de moi, trouvant toujours le moment où j’étais à la boîte aux lettres pour me mordre les mollets. J’avais pourtant tout essayé pour l’amadouer, jusqu’à lui envoyer du sucre qu’il allait ramasser mais il revenait aussitôt tourner autour de moi et je devais rentrer à reculons dans la voiture. Enfin, un jour, le propriétaire comprit et attacha l’animal assez loin. Ouf !
Chez un entrepreneur de maçonnerie il y avait un berger allemand, un vrai molosse dangereux qui me creva, dans la même semaine, deux pneus à la voiture. Une fois, j’avais à mes côté un inspecteur-vérificateur des tournées. Comme il faisait chaud, la vitre était ouverte et il eut juste le temps de retirer son bras car le chien qui passa la tête par l’ouverture le fit pâlir et il s'exclama: « Mais comment faîtes-vous ici? » Je répondis : « Je klaxonne et s’ils ne sortent pas je retourne le courrier à la poste avec l’aval du receveur. »
Par contre tous les chiens ne sont pas autant féroces. Je garde encore un souvenir émouvant de l’histoire que je vais vous raconter : Il y avait à la ferme du Grand Chêne une chienne de race berger allemand qui venait chaque jour chercher le courrier au portillon. Si elle restait sur l’escalier en remuant la queue c’est que les maîtres étaient absents, alors j’ouvrais le portillon et je déposais le courrier dans la boîte à l’intérieur du grillage. Peu de temps après un courrier de la direction demanda à l’entrepreneur de placer une boîte aux lettres hors de la propriété, ce qui fut fait, bon gré, mal gré.
Un jour voyant que la chienne ne venait pas et regardait la route, comme à mon habitude j’ouvris le portillon pour déposer les lettres. Assis sur un banc sous l’ombre du gros chêne, un homme attendait avec à ses pieds deux gros chiens (des bergers belges, des malinois) qui me voyant entrer me bondirent dessus. Je ne dus mon salut qu’à la chienne des propriétaires qui vint se placer devant moi et mordit, à droite, à gauche faisant fuir les deux molosses dans les jambes de leur maître qui me dit, candide : « - C’est bien la première fois que je vois un chien défendre un facteur ! » « Et bien moi aussi, sinon je leur aurais servi de petit déjeuner ! » répondis-je. Je garde un grand souvenir de cette belle bête.
Mon épouse, factrice elle aussi Orange,a été mordue treize fois et souvent avec une Incapacité Totale Temporaire (ITT) de deux à trois semaines.
À présent, heureusement, l’administration des Postes a pris conscience du problème et les facteurs ont des boîtes aux lettres assez loin des maisons, les facteurs ont moins de contacts avec les chiens et c’est tant mieux, mais je ne regrette pas mon époque : j’étais plus jeune.

Edmond Gueyte, facteur à Cairanne de 1947 à 1985.
(avec la complicité de Anne Laberinto)

Summary: Edmond Gueyte, postman in Cairanne from 1947 to 1985, recalls the times when delivering the mail was not easy because of the dogs or sometimes the geese.

Complément
Services Postal 1879, réclamations du conseil municipal de Cairanne (ADV, 1D3)
L’an mil huit cent soixante-dix-neuf, le conseil municipal se réunit, M. le Maire expose : que depuis le 1er mars, le facteur rural qui fait le service de Cairanne est, par suite du service de Saint-Romans-de-Malegarde qui lui a été adjoint, dans l’impossibilité de faire son service d’une manière convenable. Ce facteur qui avait un parcours moyen de 18 kilomètres auxquels il convient d’ajouter la distance aller et retour de St Romans soit 14 kilomètres et au moins 3 kilomètres de parcours pour les granges soit en tout 35 kilomètres et en grande partie dans la montagne. Avant nos dépêches partaient de Sainte-Cécile avec le courrier de midi tandis que maintenant nos dépêches ne partent de Sainte-Cécile qu’à neuf heures du soir. Le maire demande à l’autorité supérieure que les choses soient remises dans leurs états primitifs…
On ignore le résultat de cette réclamation !
GC
Mise à jour : le 1 décembre 2021
webmaster : Gérard Jacques Coussot