La chronique de novembre 2021
Les vacances à Cairanne au siècle dernier (2) |
L'oncle Charles
L'après-midi des grandes vacances commençait en général par une sieste quasi obligatoire avec la chaleur plombante qu'il faisait, surtout au mois d'août.
En fait, il n'y avait guère que les adultes qui étaient assoupis pendant que j'écoutais les mouches voler ou que je bouquinais...
Repas dominicaux
De mes vacances à Cairanne je retiens aussi tous ces repas dominicaux qui réunissaient souvent famille et amis. Ma grand-mère aimait beaucoup les grandes tablées où,
toutes générations confondues, la bonne chère rivalisait avec la bonne humeur. On parlait et on riait beaucoup à l'ombre des pins et du tilleul.
Les repas se terminaient invariablement par des chansons. Chacun avait son propre répertoire et se levait fièrement pour son moment de gloire.
Nous allions aussi parfois déjeuner chez des amis où l'ambiance des repas était la même. Certains d'entre eux habitaient en haut d'une des collines alentour et
mon bonheur était encore plus grand, car nous y allions en charrette avec ce brave Lamy, grand cheval de trait que j'aimais beaucoup.
Parfois aussi nous y allions à vélo. Bals d’été
Il y avait aussi les bals d'été qui se tenaient sous les grands platanes devant le café du Siècle tenu par Ludovic Manifacier. C’était l'occasion pour les jeunes
des villages voisins de se rencontrer ou de se retrouver. Comme tous les autres enfants de mon âge en ces temps-là, je me contentais de sirôter une menthe à l'eau ou
un mélange de sirop d'orgeat et de lait pendant que “les grandes”, dont faisait partie ma cousine Suzanne, dansaient. Les danses s'enchainaient pour certaines, passant
d'un cavalier à l'autre car sans cesse sollicitées pour une nouvelle danse.Malheureusement pour moi ma cousine avait beaucoup de succès ce qui allongeait le temps d'attente pour rentrer! Avec ma tante
À la fin du mois d'août, lorsque mes cousins étaient partis reprendre leur travail à Paris, il me restait encore un mois de vacances ce qui n'était pas pour me déplaire!
Entre autres choses, pour m'occuper ma tante m'apprenait à broder car elle était une véritable artiste en la matière. Moi beaucoup moins, très peu intéressée par les travaux
manuels! J'étais cependant heureuse de l'entendre en même temps me raconter plein d'histoires sur sa jeunesse à Paris car j'étais une petite provinciale qui n'était encore
jamais “montée” à la capitale. Elle me dépeignait une grande ville bouillonnante d'activité, les grands magasins, les bâtiments célèbres et surtout l'Opéra qu'elle adorait
et fréquentait souvent. Tout cela lui manquait beaucoup à Cairanne. Elle me faisait écouter des disques d'opéra dont elle connaissait les livrets par cœur. Les Chorégies
d'Orange, dont le festival avait pourtant été créé en 1869, n'existaient pas encore sous leur forme actuelle qui ne débuta qu'en 1971. Seules les Choralies de Vaison-la-Romaine
commençaient.Septembre arrivant, les vendanges se profilaient à l'horizon. Cette perspective joyeuse était cependant assombrie pour moi par l'arrivée programmée chaque année du boucher qui venait chercher les chevreaux avec qui j'avais joué tout l'été... De toute évidence je n'ai jamais voulu goûter à ce genre de civet! Belle méthode pour faire devenir un enfant végétarien! La fin des vacances
Bien que le temps des vendanges signifiait la fin de l'été, c'était une période très gaie car il y avait beaucoup d'allées et venues. A la place du bruit discordant
des machines à vendanger actuelles, on entendait les paroles et les rires des vendangeurs dans les vignes, ponctués parfois de cris provoqués par les attaques de barbouillage
de raisin sur les visages, de vendangeuses le plus souvent, qui se défendaient joyeusement. Toutes ces hottes remplies de beau raisin que l'on versait dans les tombereaux,
donnaient une impression d'abondance et de récompense d'un travail accompli tout au long de l'année. On entendait alors le roulement des charrettes tirées par de solides
chevaux qui se dirigeaient vers la « copé », comme on l'appelait. Presque chaque année ma tante y occupait son poste à la bascule et parfois je venais la rejoindre dans
cette petite guérite d'où j'entendais tous les propos échangés. Tous les vignerons la connaissaient et blaguaient avec elle mais ne parvenaient jamais à l'influencer pendant
la pesée du raisin! Elle semblait intraitable.Fin septembre je redevenais citadine pour préparer la rentrée des classes. Je quittais à regret Cairanne que je retrouverais aux vacances suivantes. Bien plus tard
Loin de moi était l'idée alors, qu'un jour j'habiterais le vieux village que je connaissais à peine et où je n'allais jamais car il était partiellement en ruines et couvert
de ronces!Mais il y a de magnifiques hasards dans la vie, comme celui de rencontrer dans un avion au-dessus de l'Atlantique, mon futur époux à qui plus tard je fis découvrir Cairanne! Il me proposa de nous y installer à notre retraite et s'investit avec passion dans la défense du patrimoine de ce village. Souventes fois d'ailleurs, j'ai l'impression que c'est lui qui y passait ses vacances dans son enfance! Et parmi ces hasards de la vie, il y en a d'autres assez troublants: en habitant le haut du village je devins voisine et amie avec une certaine Beth qui résida elle aussi à Los Angeles et mit au monde un fils dans la même clinique et à la même période où je mis au monde ma fille aînée! Nous découvrîmes aussi que nous avions le même médecin! Pour parachever le tout, nos autres voisins et amis, Peter et Margaret enseignaient dans une université très proche de celle où j'enseignais dans l'Ontario au Canada! Comment ne pas croire que Cairanne est le centre du monde? D'ailleurs, tout au long de ces années loin de Cairanne, je m'étais aperçu que sa renommée avait grandi. Tous ces beaux raisins que j'avais admirés pendant les vendanges avaient fini par bâtir la réputation de ce village dont le vin était devenu une référence. Un jour, le directeur d’une célèbre maison d'édition à Paris me demanda où j'allais prendre ma retraite en Provence. Je lui répondis que c'était dans un village du Vaucluse qu'il ne connaissait certainement pas et, comme il insistait, je lui révélais le nom de Cairanne. Un certain silence suivit... “Vous voyez, dis-je, vous ne connaissez pas”. “Je sais simplement, dit-il, que la plus belle vue qu'on puisse avoir de ce beau village est à la sortie de Sainte-Cécile-les-Vignes en allant dans sa direction... et je commande aussi mon vin là-bas”. Tout était dit. Danielle Coussot Summary: this second part of the Summer holidays in Cairanne in the fifties deals with fishing trips, painting in the countryside, large family meals on Sunday, Summer dances under the plane trees and the grape harvest in September. |
Mise à jour : le 12 juillet 2024 webmaster : Gérard Jacques Coussot |