La chronique de septembre 2019
Deux familles cairannaises s’affrontent pour un mariage ! |
Décrivons les familles , commençons par la plus titrée : Victor d’Albert des Essarts (1808-1894) est descendant d’une famille noble française de Mondragon . Son père le comte d’Albert des Essards (1754- 1814) a tous les titres de noblesse qui vont bien. Sa mère est Sophie de Saint Jacques dont le père est également joliment titré. Ils vont tout perdre à la Révolution : les titres et les domaines. La veuve du comte demande en vain une pension, étant sans fortune . Victor, né à Avignon, se marie en 1832 à Cairanne avec Gabrielle Gazzi, 16 ans, une étrangère, piémontaise, fille de Louis, domestique. Son père, le comte, a dû se retourner dans sa tombe! La seconde famille concerne les de Vitalis, famille du Comtat Venaissin. Il s’agit de Joseph Antoine Xavier de Vitalis (1766-1853). Son grand-père est Esprit Joseph docteur en droit de l’Université d’Avignon. Ce titre confère un anoblissement donné par les Papes. Il est comte Palatin. Cette noblesse devient héréditaire au deuxième doctorant. Coïncidence le père de Xavier est docteur en médecine à Orange. Xavier a donc un titre de noblesse pontificale héréditaire. Il sera rentier, propriétaire à Cairanne. Xavier de Vitalis se marie une première fois avant la Révolution avec Françoise Marie Fabry de Chateaubrun de noblesse pontificale donc dans les règles de son statut social. Il est veuf en 1833.
Contrat de mariage d’Albert- Gazzi
Victor d’Albert et Gabrielle Gazzi vont signer un contrat de mariage
. Sa rédaction est classique
jusqu’au point quatre beaucoup plus surprenant : « a comparu M. Joseph Xavier Vitalis…voulant donner
des marques d’amitiés pour la dite demoiselle Gazzi future épouse s’engage » :
L’épouse d’Albert meurt en 1840. Ses enfants héritent de la donation Vitalis .
De Vitalis : vers un nouveau mariage
En 1848, voilà que notre de Vitalis, à 82 ans, se met en tête d’épouser sa fille de compagnie
ou sa servante selon les actes, âgée de 29 ans, Marie Thérèse Jambon de Saint-Roman-de-Malegarde.Ce projet de mariage va déchainer les passions car la donation, dont les enfants d’Albert sont bénéficiaires après le décès de leur mère, pourrait être annulée si un enfant naissait de ce mariage. Un marathon juridique se met en place pour essayer de retarder le mariage avec l’espoir d’un décès de Vitalis avant le mariage. On s’y perd quelque peu, retenons l’essentiel ! En 1848, après la publication des bans les 21 et 28 mai, première opposition au mariage de Victor d’Albert basée sur un argument juridique qui ne concerne que les membres d’une même famille. Le tribunal d’Orange déboute d’Albert, de Vitalis peut se marier librement. Appel de ce jugement et à nouveau devant le tribunal d’Orange avec de nouveaux arguments beaucoup moins consensuels :
Contre-attaque de de Vitalis auprès de la cour d’appel de Nîmes. Nouvelle publication des bans en avril 1850, nouvelle opposition cette fois-ci du beau-père de d’Albert Louis Gazzi pour les mêmes motifs. Nouvelle publication des bans le 9 et 16 juin (deux fois), nouvelle opposition le 18 juin de Charles Napoléon Maurie de Sainte-Cécile, un parent d’Albert. Finalement la cour d’appel de Nîmes rejette toutes ces oppositions, l’amour triomphe ! Le 2 juillet 1850, Joseph Antoine Xavier de Vitalis, 84 ans, épouse Thérèse Jambon, 31 ans, à Saint- Roman-de-Malgarde. Il n’y aura pas de mariage religieux. Devant une telle ténacité, l’état de démence de de Vitalis n’est pas démontré ! Le maire de Cairanne aura affiché sept publications des bans et publié la plupart des actes judiciaires. La lune de miel durera un peu plus de deux ans : de Vitalis meurt en novembre 1853. Son épouse, Thérèse, se remarie en décembre 1854. Elle est propriétaire rentière de deux domaines à Cairanne et d’une maison dans le vieux village . Elle a réglé la donation aux enfants d’Albert selon les dernières volontés de de Vitalis . (Il faut noter qu’aujourd’hui selon le Code civil, toutes les personnes qui ont formé une opposition à ce mariage ne seraient plus autorisées à faire cette opposition).
D’Albert : vers un nouveau mariage
Sans doute émoustillé, l’instigateur des oppositions Victor d’Albert se remarie six mois après
le mariage de de Vitalis, le quatre décembre 1850 avec Marie Ladet, sa domestique âgée de 22 ans
qui lui a fait un fils naturel mais il n’a que 42 ans lui ! Son père, le comte se retourne une
deuxième fois dans sa tombe !De cette seconde union il aura six enfants. Son épouse meurt en 1865 à 37 ans ! Ce fils naturel, reconnu, voulant sans doute redorer son blason, demanda au tribunal de redevenir d’Albert des Essarts en 1896.
Dénouement
Mais le plus surprenant est encore à venir :En 1851, le recensement de Cairanne indique bien le couple de Vitalis-Jambon mais il s’ajoute le fils Victor Vitalis d’Albert 17 ans, leur fils adoptif , qui vit sous le même toit ! Donc, il faut sauter le pas : dans le couple à trois, de Vitalis et la jeune épouse d’Albert sont supposés avoir conçu cet enfant qui prendra comme troisième prénom Vitalis pour associer les deux patronymes VITALIS D’ALDERT. Nous remercions Christine Michel des ADV pour nous avoir aidés à débroussailler cette chronique. Gérard
Coussot
Summary : Summary : Two Cairanne families fought each other for financial reasons. A widower,
Joseph de Vitalis, made a donation to Miss Gazzi (16 years) at her wedding with Victor d'Albert.
However Vitalis, 82 year old, wanted to cancel this donation. He found a way to do it by marrying
a pregnant woman. A legal battle was then started to delay this wedding, with no success. We found
out that de Vitalis and Miss Gazzi probably had a son, named Victor VITALIS D'ALBERT.
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Mise à jour : le 29 mai 2024 webmaster : Gérard Jacques Coussot |