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La chronique du mois de juin 2019

Château Gallifet : famille Lambert-Juge-Mévil (1802-1956)


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Une tombe au cimetière de Cairanne étonne par sa structure très différente des tombes environnantes. Cette tombe est celle de la famille Juge-Mévil, ayant habité le château Gallifet. Il s’agit de la tombe de Pierre François Lambert-Juge et de Virginie Juge née Mévil.
Dans l’acte de décès de Virginie Mévil à la mairie de Cairanne, le 16 septembre 1900, on découvre un prénom juif, Rachel. En remontant le temps, un décret de Louis XVIII en 1814 autorise son père Elie Mardoché, d’origine polonaise, à substituer à leur nom celui de Mévil. En continuant à remonter le temps, en 1808 Napoléon oblige la communauté juive à choisir des prénoms sur une liste de prénoms préétablie et c’est ainsi que Rachel Mardochée devient Virginie Mardochée puis Mévil !
Dans son testament sa mère écrit : « Je donne et lègue cinq cent francs aux pauvres de la religion israélite et pareille somme aux pauvres de la religion catholique en raison de ce que mes enfants professent cette religion ».
Virginie Mévil est veuve en 1825 en première noce de Cahen.
Elle épouse Pierre François Lambert-Juge en 1828 à Paris qui demeure au château Gallifet à Cairanne. Celui-ci possède le château Gallifet par héritage, son grand-père Jean Lambert-Juge l’ayant acheté à la dame Offand-Lescuyer en 1803. (Chronique mai 2019).
C’est une famille d’orfèvres et de bijoutiers installés à Valréas puis à Avignon. La propriété autour du château s’étend sur vingt-quatre hectares.
Virginie Mévil enterre son mari en 1873 dans la tombe en question qui ressemble beaucoup à une tombe de tradition juive (voir photographie ci-contre).
Pierre et Virginie Mévil n’auront pas de descendance et c’est un neveu, André Mévil, qui hérite du château Gallifet au décès de sa tante en 1900.

Qui est André Mévil (1870-1956) ?
Voici un extrait du journal Le Ventoux daté du 18 octobre 1940 :
« Notre confrère et compatriote, André Mévil, journaliste de grand talent, spécialiste des questions extérieures dont la signature apparait souvent dans les grands quotidiens de Paris et de Province et qui pendant de longues années fut chargé de la politique extérieure dans l’Echo de Paris et le Journal des débats auteur de deux livres traitant des Affaires Etrangères et faisant autorité : De la Paix de Francfort à la conférence d’Algésiras et La paix est malade ; ce dernier ouvrage véritablement prophétique , paru en juin 1914, à la veille de la Grande Guerre que préfaça Albert de Mun … »
Il commence sa carrière littéraire aux sources du roman colonial d’Afrique à la fin du XIXe siècle . Puis il se diversifie dans les domaines de la diplomatie et la politique extérieure en Europe. Il s’intéresse à l’histoire régionale en tant que membre de l’Académie de Vaucluse .
Il est nommé chevalier de la Légion d'honneur par décret du 20 juillet 1909 sur la proposition du ministre des Affaires étrangères, en qualité de publiciste. Puis il est promu au grade d'officier en 1923.

Dans la tourmente
Il est un ardent défenseur du maréchal Pétain. Légionnaire, il prend la place du maire de Cairanne, destitué par le régime de Vichy en mai 1942 (voir chronique octobre 2015).
À la Libération, il est arrêté avec son épouse Hélène Boissavin et son fils Charles, transportés à la prison de Buis-les-Baronnies puis au Grand hôtel de Nyons.
Son fils Charles fera le récit de ces aventures dont nous empruntons les conclusions :
« Voilà pourquoi j’ai fait trois mois et demi de prison On arrêtait pour pas grand-chose Et encore j’ai eu de la chance, on aurait pu me fusiller !
C’est les gendarmes qui ont été très chics, parce qu’en fin de compte, le chef de gendarmerie m’a dit : Vous savez pendant que vous étiez chez nous, personne n’aurait pu venir vous chercher, jamais on n’aurait pas donné un prisonnier.
Mais les trois cadavres qui étaient dans l’Ouvéze ?
Euh… ceux-là, on ne les a jamais vus !"
C’était une époque pas ordinaire mais enfin j’étais jeune, j’étais heureux !".


André Mévil est enterré dans le cimetière de Sainte-Cécile-les-Vignes et Charles dans celui de Cairanne.

Gérard Coussot

Summary :Summary: Gallifet chateau was inhabited during the nineteenth and twentieth centuries by the Lambert-Juge-Mévil family. Mrs Mévil of Jewish origin buries her husband in a Jewish tradition grave. His nephew André Mévil inherits the chateau. He totally stands up for Maréchal Pétain during WWII. He is arrested and imprisoned at the end of WWII.


Les juifs de Paris, la marche vers l’assimilation, Christine Piette, Université Laval Quebec, 1983.
AN, MC/ET/LXXXVII/1566.
AN, MC/ET/C/1135, contrat de mariage.
Source : association
Tombe de la famille Juge-Mévil

ADV, 10 PER 82.
ADV, 3E 122142.
Source : association
Tombes du cimetière juif de Prague

Au pays du soleil et de l’or au Soudan (1897), Samori (1899), Compte-rendu de la mission de Segonzac au Maroc (1905).
ADV, 10PER 23, Le Courrier du Midi, 5 juillet 1914.
Source : privée
André Mévil par le peintre Blanche.
Merci à M.Etienne de nous avoir communiqué ce document.
Le peintre Jacques-Émile Blanche
(1861-1942)
Parent éloigné d’André Mévil, le peintre Blanche adoptera le premier fils d’André Mévil. Ce peintre est connu pour des portraits d’hommes célèbres du début du XXe siècle, par exemple celui de Marcel Proust exposé au Musée d’Orsay à Paris.
Mise à jour : le 1 juin 2019
webmaster : Gérard Jacques Coussot