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La chronique du mois de novembre 2018

1851 : l'Histoire oubliée, le complot de Cairanne

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Contexte historique : le coup d’Etat de Louis-Napoléon
C’est une période de l’Histoire de France particulièrement confuse où les régimes se succèdent ! En 1847 la France de Louis Philippe commence à coloniser l’Algérie. Sous la pression de la foule parisienne, Louis Philippe est obligé de signer son abdication et part en exil.
La Seconde République prend difficilement naissance (Février 1848).
Louis-Napoléon, de retour en politique, devient député en septembre 1848. Le 10 décembre 1848, Louis-Napoléon est élu président de la République. Son mandat prend fin en 1852 et il n’est pas rééligible. Après avoir demandé en vain une révision de la constitution, Louis-Napoléon se lance dans un coup d’Etat.
Au soir du 2 décembre 1851, Louis-Napoléon avait achevé son coup d’état parisien. Quelques barricades dans les rues de Paris vite réprimées, les ouvriers des faubourgs refusent de prendre les armes. Il propose un plébiscite fin décembre 1851 pour lui donner le pouvoir de rédiger une nouvelle constitution. Cairanne vote : 245 oui, 1 non ! à l’image du résultat national. Ce vote traduit un réflexe de rejet face à la « Révolution sociale ».

La Province se soulève
C’est alors que la Province rurale du Centre et du Midi se soulève à partir d’initiatives locales, autour de sociétés secrètes républicaines, mais sans mot d’ordre général, ni organisation.
32 départements sont placés en état de siège. Ces troubles prirent pour l’essentiel la forme d’une troupe en marche sur les routes pour tenter de s’emparer des bases du pouvoir dans les chefs-lieux. Ils rassemblaient des bourgeois, des artisans et des paysans.
ZOLA dans la Fortune des Rougon a bien décrit ces troubles en Provence . Cairanne est l’archétype de cette insurrection.

Le complot de Cairanne
Le « complot » de Cairanne commence dans la nuit du 4 au 5 décembre 1851 : réunion de la Société des Montagnards au serment simple : « se maintenir frères et maintenir la République ». Sont présents un bourgeois médecin, un artisan maçon et des cultivateurs . Un émissaire (Louis VACHON) part à Orange la nuit et revient vers midi le lendemain, sans avoir reçu d’instructions précises de la part de son contact à Orange. Vendredi soir 5 décembre, nouvelle réunion au cabaret de MICHEL dit Vierge et départ de Cairanne d’une douzaine d’habitants pour rejoindre l’insurrection d’Orange, avec fusils et bâtons, le Dr ROUX prenant la tête de la troupe. A Travaillan, on fait demi-tour et tout le monde rentre chez soi ! Le complot est fini !
La répression commence.

La répression
Il s'ensuit une chasse à l'homme et une répression sans précédent : 800 arrestations pour le Vaucluse, 8 à Cairanne.
Il faut statuer sur le sort de ces centaines d'hommes emprisonnés. Le pouvoir veut aller vite. Il crée dans chaque département une commission mixte. Pour le Vaucluse elle est composée du préfet, d'un général et d'un procureur qui juge de manière expéditive. Tout suspect est soupçonné de complot et de desseins sanguinaires.
Puis au fur et à mesure que le pouvoir s'affirme et devant l’ampleur des condamnations, 640 pour le Vaucluse, dont 19 à Cayenne et 107 Algérie + , des mesures de clémence sont prises et des grâces sont accordées.

A Cairanne
Une instruction est ouverte : huit habitants de Cairanne sont poursuivis pour complot contre la sureté de l’Etat et affiliation aux sociétés secrètes. Les pièces à conviction sont un fusil, une poire à poudre, 12 balles en plomb et une cravate rouge (!).
Les huit habitants sont condamnés :
  • Louis VACHON (cultivateur), le plus actif du complot selon la gendarmerie, est interné en Algérie où il meurt en septembre 1852.
  • Gabriel ROCHIER (cultivateur), un des chefs du complot, est interné en Algérie puis la peine est commuée en 10 ans d’internement à Clermont Ferrant.
  • Le Dr ROUX, le seul bourgeois, s’en tire beaucoup mieux : interné à Marseille puis à Tulette, gracié en 1853. En 1858, le Maire de Cairanne assure au préfet d’Avignon que le Dr ROUX est dévoué à l’Empereur !
  • Victor CLAVEL, cultivateur, est condamné à l’Algérie-, commué en surveillance.
  • Auguste HOMMAGE, cultivateur, surveillance, interné à Millau.
  • Jean VACHE cultivateur, est emprisonné à Orange puis interné à Saint Chamas (Bouches- du- Rhône).
  • Marius MICHEL (cultivateur) et Joseph CASTELLAN (maçon) ont des peines plus légères : internement à Cairanne puis sous surveillance en 1853. Pour ce dernier c’est suite à une demande en grâce acceptée, car il doit se rendre dans les communes avoisinantes pour faire son métier de maçon.
Trente ans après le coup d’état de Louis-Napoléon
L’histoire du complot de Cairanne renaît 30 ans après !
En1881, la Troisième République promulgue la loi de réparation nationale du 30 juillet 1881 en faveur des victimes du 2 décembre 1851 ou de leur conjoint ou de leurs enfants. Une rente peut être proposée après examen d’un dossier. Ces dossiers sont déposés aujourd’hui aux Archives Nationales à Paris. Tous ces dossiers ont une dominante de malheur et de grande détresse pour apitoyer la commission chargée de statuer sur l’octroi d’une possible rente annuelle, de 100F à 1200F !
Le dossier du Dr ROUX est particulier de par son statut social. Celui ci est mort en 1868 et ses deux fils montent le dossier en oubliant leur sœur ! Une des lettres d’accompagnement vante grandement les mérites républicains et l’excellence de la clientèle de leur père à Cairanne puis la perte de sa clientèle et de sa fortune, l’obligation de s’endetter et des dettes qui courent toujours, 13 ans après sa mort. « Notre ruine fut complète » . Ils évoquent une instruction médiocre, ce qui n’est pas vrai : l’un est instituteur et l’autre étudiant en pharmacie à Toulouse. La commission accorde 100 francs de rente à chacun. Une seconde lettre revient à la charge pour pleurer sur la faiblesse de la somme allouée. On peut lire aussi que l’épouse du Dr ROUX a obtenu une rente de 800 F en Ardèche en tant que fille de déporté, qu’elle devrait avoir une deuxième rente de 400F en tant qu’épouse d’interné mais qui est refusée.
Pour Jean Joseph VACHE , c’est son épouse Marie MANCIP qui fait une demande de secours car celui-ci est mort en 1880. Une pension de 150 F est attribuée à son épouse. En 1888, son fils sollicite la réversibilité de la moitié de cette pension. Cette demande est barrée par un « non réversible » en rouge.
Joseph André CASTELLAN fait une demande de secours en 1880. Cette demande, très sobre, est rédigée par l’instituteur de Cairanne Charles Affre. Il obtient une rente de 400 F.
Marius MICHEL et Gabriel ROCHIER ont également une rente de 400 F.

Gérard Coussot

Summary : In December 1851, the Napoleon’s nephew, Louis Napoleon-Bonaparte organizes a Coup to change the constitution which will give to him a stronger political power. In Paris there are few protest movements but the South of France is opposed to this change and some democrat people try to take over local power. The movement is not well organized and it fails after a few days. Napoleon-Bonaparte starts a very strong repression. In Cairanne, eight people are condemned. Three are deported to Algeria. Thirty years later, French Republic recognizes the courage of these condemned people and gives them financial reparation.







Source : ADVaucluse
Annonce du coup d'état


Emile ZOLA retranscrit ces événements dans son roman la Fortune des Rougon en décrivant des insurgés courageux, utopistes, sans chef expérimenté, peu disciplinés, sans fusils dans une petite ville imaginaire de Provence : Plassans. Ces insurgés sont massacrés par la troupe à la fin du roman.


ADV, 1M777, 1M789, 1M781.


Il y a 6 niveaux de condamnations, les plus sévères : Cayenne, Algérie+, Algérie-.


Source : ADVaucluse
Annonce du plébiscite de décembre 1851


Archives Nationales (AN) Paris, BB/30/478


Source : ADVaucluse
Résultat surprenant de Cairanne


ADV,1M803


Par comparaison, en 1890, un ouvrier dans l’industrie privée gagne entre 1200 et 1500 F par an, une ouvrière deux fois moins.


AN , F/15/4108


AN , F/15/4110


AN , F/15/4176
Mise à jour : le 1 novembre 2018
webmaster : Gérard Jacques Coussot