La chronique du mois de octobre 2018
1944 : des cairannais réquisitionnés |
Le contexte
Autrefois le Plan-de-Dieu était recouvert de bois au milieu desquels l’Armée de l’Air avait créé un
terrain d’aviation en 1930. Celui-ci avait été utilisé, avant-guerre, par les avions d’Air France
pour une navette quotidienne avec Paris
. Cependant pour des raisons
inconnues l’Armée de l’Air avait
engagé des travaux pour créer un nouveau terrain à Caritat plus proche d’Orange, inauguré en 1939.
Après l’invasion de la zone libre, les Allemands reprennent en 1943 l’aménagement des terrains d’aviation
de Plan-de-Dieu et de Caritat. Cet aménagement sera poursuivi jusqu’à la Libération. Il s’agit
d’allonger la piste d’atterrissage de Caritat, de créer des zones de stationnement pour les avions
dans les bois, de construire une voie de circulation entre les deux terrains d’aviation…C’est l’entreprise Todt qui amène des ouvriers de Beaucaire . Elle réquisitionne du personnel aussi dans les villages voisins dont Cairanne. L’ensemble abrite plusieurs dizaine d’appareils Junker 88 et sert de base d’entrainement pour les troupes aéroportées utilisant des planeurs Gotha 242. Le nombre de soldats est de 2 000 à 3 000. A partir du printemps 1944, cette zone est soumise à de nombreux bombardements de l’aviation alliée venue de Corse. Il devenait très dangereux d’y travailler. En effet cette zone est située sur le parcours projeté des troupes américaines remontant la vallée du Rhône vers l’Allemagne, après leur débarquement sur les côtes méditerranéennes. Elle sera atteinte le 26 août par le 15e régiment du 3e bataillon .
Souvenir d’un jeune Cairannais
De temps à autre, les Allemands réquisitionnaient de jeunes hommes pour une corvée de déboisage.
Mon frère et moi contribuâmes à ce travail obligé qui consistait essentiellement à dégager les espaces
envahis par la végétation aux abords des casernements et des terrains militaires.C’est ainsi qu’un jour nous fûmes amenés avec des camions de l’armée, par la route de Violès jusque dans la plaine de Travaillan où se trouvait l’aérodrome d’Orange Plan-de-Dieu. Nous n’avions guère d’ardeur à exécuter ce travail de déblayage, mais cependant pour notre usage personnel, nous ramassions ces branchages coupés que nous rassemblions en fascines (des fagots) et que nous rapportions au village; ils serviraient à faire des flambées à la maison. Cette « courrado » (corvée) si elle affectait notre entrain n’altérait en rien notre joyeuseté et les plaisanteries fusaient entre nous sur le dos du fridolin « moulégous » (apathique) chargé de surveiller nos travaux, l’arme à la bretelle et le regard vacant. Ce jour-là une chaleur accablante accélérait le chant des cigales, ce qui avait pour effet de ralentir encore plus notre ardeur « mouligasso ». Le proverbe le dit bien : « Fai pas bon travaia quand la cigalo canto. » (Il n’est pas bon de travailler quand la cigale chante.) Dans le ciel azuré, une armada magnifique de cumulus, gonflés de lumière, glissait insensiblement au-dessus de nos têtes. Rien dans ce décor paisible, planté pour le farniente, n’aurait pu laisser supposer que quelques instants plus tard, surgiraient soudainement d’entre ces nuées éclatantes, une escadrille de chasseurs bombardiers à double queues, les lookeeds Lightning U.S. L’un après l’autre les appareils décrochèrent et piquèrent droit sur l’aérodrome où ils semblèrent devoir s’écraser au sol mais ils se redressèrent en ayant juste le temps de laisser au passage des chapelets d’explosion, suivis de nuages épais et sombres qui s’élevèrent dans le ciel. La DCA ouvrit le feu sur les avions qui luisaient comme des poissons d’argents dans la mer de nuages étirée sur fond bleu. Mais les gros chasseurs, sans se soucier en apparence de l’artillerie allemande fondirent à nouveau sur l’objectif et en amorçant une large courbe ils bombardèrent les bâtiments et la piste d’atterrissage en arrosant de projectiles les avions au sol. D’autres appareils survinrent à la suite et en rase mottes ils mitraillèrent eux aussi les avions ennemis qu’ils criblèrent de balles. Sur le terrain des hommes apeurés fuyaient en zigzagant de tous les côtés, poursuivis par les rafales des mitrailleuses qui crépitaient aigües et serrées. Ces rafales fauchaient les Allemands, en dépassaient d’autres qui couraient paniqués le dos rond tandis que la terre giclait sous leurs pieds ou ricochait sur le béton en le faisant éclater. Ces hommes cherchaient où se réfugier à couvert sous les frondaisons où nous étions… les cigales s’étaient tues. Sous un petit arbre protecteur au tronc penché et courbé, nous nous étions mis à l’abri. J’avais la tête contre l’écorce, Jean-Marie Berthet et Raoul Favre étaient blottis en dessous de moi. Nous avions sous les yeux le spectacle effrayant que nous regardions en implorant le ciel de nos ferventes prières. Nous voyons les balles fouailler l’eau des flaques. Le sol se mouchetait de taches blanches sous les impacts. Non loin de nous un homme touché était étendu face contre terre dans l’eau boueuse qui se teintait de rouge. Après que tout fut fini, nous allâmes dans une maison voisine où de braves gens nous donnèrent à boire « la goutte », un peu d’eau de vie, un remontant dont nous avions bien besoin parce que nous étions tout chamboulés (« bouleversés »), nos jambes étaient molles et nos mains tremblotaient un peu. Jean Guestault
Summary :This chronicle’s topic is the description of the bells belonging to all the chapels
located in Cairanne. During the French Revolution period in France, many bells disappeared because
they were melted for artillery. Only one bell was melted in Cairanne. The others remained or were
replaced by bells from unknown origin.
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Mise à jour : le 21 mai 2024 webmaster : Gérard Jacques Coussot |