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La chronique de juillet 2016

1824 : le curé de Cairanne assassiné !


Le 14 juillet 1825 est guillotinée point1 sur la place du marché aux bœufs à Carpentras Madeleine Gilles, veuve de Fiacre Marc, originaire de Cairanne. Mais quel a été son crime ?

Reprenons l’acte d’accusation

« Le 13 avril 1824, le sieur Servant curé de Cairanne, vieillard âgé de 84 ans mais jouissant encore d’une bonne santé, après avoir dit la messe, but une décoction de seigle, boisson qui remplaçait pour lui l’usage du caffé. Vers midi, il dîna avec un plat d’œuf au lait. Bientôt il éprouva des picotements, de vives douleurs ; en quelques minutes son état devint très alarmant au bout d’une heure il était mort ! » Pendant son agonie, la servante du curé Magdeleine Gilles avait demandé au maire de Cairanne Joseph Vitalis de venir. « Le maire avait refusé de venir le voir sous prétexte de son inimité avec cet ecclésiastique.
Ouverture de cadavre et récupération des matières déposées dans des carafes et envoyées à Orange. Des traces d’arsenic sont découvertes ».

Le crime épouvantable se précise.
Le curé avait déjà subi le vol de son portefeuille un an auparavant, avec sans doute la bienveillance du maire. Les soupçons se portent sur la laitière qui a fourni le lait et sur la servante. « Lors de la levée des scellés, on trouve dans la gibecière appartenant au curé où il avait l’habitude de ranger son or un morceau d’arsenic en pierre ».
Des choses de la maison ont disparu, des draps, des nappes, une montre en or… Le juge d’instruction entend Madeleine Gilles.
« Oui, elle a empoisonné son chat il y a trois mois mais avec du verre pilé !»

Puis de contradiction en contradiction, elle finit par avouer « que le démon du mal toujours rugissant autour d’elle, elle avait pilé avec le sucre destiné aux œufs au lait, un morceau d’arsenic gros comme une fève ». Avant cet aveu elle s’était rendue chez le maire « qui lui avait donné quelque conseil pour éliminer les soupçons ».
À une des filles de Magdeleine Gilles, il aurait dit « que c’était une bien mauvaise affaire et il ajouta de bien prendre garde à ne pas le charger, de ne rien dire de ce qu’il confiait parce qu’il était riche, avait le bras long et qu’il se tirerait bien d’affaire… ». Puis : « Vous êtes tous des imbéciles, vous n’aviez qu’à dire que c’était M. Roux qui avait empoisonné le curé ! Il l’avertit que son mari serait sans doute arrêté et lui conseilla de le faire éloigner et à cet effet de prendre le passeport du nommé Rolland ou Bonnet, s’offrant à en faire à ceux-ci un nouveau au besoin ».
Le juge cherche à en savoir un peu plus. À l’un des suspects : « Savez-vous si M.Vitalis avait des liaisons particulières avec Madeleine Gilles ? »
Réponse : « je n’en sais rien à cet égard ! »

Le procès

Le procès s’ouvre le 14 mars 1825 et dure quatre jours à la cour d’assises de Carpentras. Les neuf accusés sont Madeleine Gilles, ses deux filles et leurs maris, le maire Joseph Vitalis et trois autres personnes qui devaient de l’argent au curé. Maitre Boudou est nommé d’office pour la défendre mais abandonne aussitôt, remplacé par M° Monier.
Il y a douze jurés, certains s’étant récusés : une mauvaise chute de cheval, une colique tenace avec certificat médical…
Vingt-quatre témoins à charge qui ont prêté le « serment de parler sans haine et sans contrainte ». Idem pour les quatorze témoins à décharge. Le président des assisses interroge Madeleine Gilles qui « dit que l’aveu fait d’avoir empoissonné le dit Servant était faux et mensonger…» À la suite du défilé des témoins, le président a fait représenter toutes les pièces relatives au délit.
« Puis les moyens de défense de Madeleine Gilles ont été développés par l’organe de M° Monier… » . Et ainsi pour les autres accusés dont le maire Joseph Vitalis.
Le procureur a développé les moyens à l’appui de l’accusation : « La nommée Madeleine Gilles et son gendre d’être auteur et complice d’un crime d’empoisonnement et d’un vol domestique d’un portefeuille garni de créances. Le maire Vitalis et la famille de Magdeleine Gilles d’être auteurs ou complices de divers vols domestiques commis dans la maison du sieur Servant, curé de Cairanne immédiatement après sa mort »
Les avocats ont répondu…
Les douze jurés se retirent pour délibérer et répondre à trente et une questions. À leur retour « le chef des jurés s’est levé et la main placée sur le cœur a dit sur mon honneur et ma conscience devant Dieu et devant les hommes, la déclaration du jury est… ».
Suit une réponse par OUI ou par NON aux trente et une questions.
La réponse OUI aux questions huit et dix sur la culpabilité de Madeleine Gilles d’avoir empoisonné le curé et d’avoir commis un vol ne présage rien de bon.
La réponse NON à la culpabilité de Joseph Vitalis de complicité de vol domestique et d’avoir donné des instructions pour commettre ces vols. Une bonne nouvelle !
En effet, le procureur a requis : peine de mort pour Madeleine Gilles ; pour les gendres : réclusion dix ans ; pour les deux filles : cinq ans de réclusion.
La cour suit le procureur dans ses réquisitions mais ramène la réclusion à six ans pour les gendres. Le maire Vitalis est acquitté ! Egalement les trois autres personnes.
Les quatre condamnés seront soumis à l’exposition préalable au carcan durant une heure point2 .
L’exécution aura lieu sur la place publique du marché aux bœufs de cette ville.
La demande en nullité, présentée à la Cour de cassation, est rejetée le 22 avril 1825.

Registre des exécutions du tribunal des assises de Carpentras point3

Pour Madeleine Gilles: « L’an mille huit cent vingt-cinq et le quatorze juillet… la susnommée a été conduite par l’exécuteur des arrêts criminels sur l’esplanade de l’hôpital appelé marché aux bœufs, escortée d’une brigade de gendarmerie et d’un piquet de la Garde nationale où étant arrivée elle est montée de suite sur l’échafaud et a eu la tête tranchée par le dit exécuteur à dix heures du matin…» Pour les quatre autres condamnés : « L’an mille huit cent vingt-cinq le quinze juillet… les susnommés ont été conduits par l’exécuteur des arrêts criminels sur la principale place publique de Carpentras dite de l’hôtel de ville, y ont été attachés au carcan et y sont demeurés exposés au regard du peuple depuis dix heures du matin jusqu’à onze, ayant chacun d’eux au-dessus de leur tête un écriteau portant en caractères gros et lisibles ses noms, sa profession, son domicile, sa peine et la cause de sa condamnation… » Et Joseph Vitalis retrouve la mairie de Cairanne, innocent : il avait le bras long avait-il dit !
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir point4.

Gérard Coussot

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point1  ADV, 2 U 219.



Source : ADV
Trois lettres « OUI » et la tête sera tranchée





Source : Biblio. Inguimbertine
La guillotine place de l’hôpital à Carpentras.
Aquarelle de Eysseric (1887)




Source : privée
Exposition au carcan.

point2 L’exposition au carcan sera supprimée en 1832 par Louis Philippe.

point3 ADV, 2U116.

point4 La Fontaine, Fable : Les Animaux malades de la peste.


Summary:This chronicle reports the murder of the priest of Cairanne in 1828 and the court action. The servant was accused of killing and stealing the priest with the help of family members and of the mayor of Cairanne. The trial was held in front of a popular jury. As a result the servant was sentenced to have her head cut off (guillotinée) in Carpentras and the others were put to jail with the exception of the mayor who was declared innocent.

Mise à jour : le 1 mai 2024
webmaster : Gérard Jacques Coussot

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