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La chronique d'octobre 2016

Restauration du tableau saint Roch
peinture anonyme


La chapelle saint Roch

En mai 1720, la peste frappe Marseille, ramenée d’Orient par un bateau. L’épidémie ravage la ville et s’étend à la Provence malgré les mesures sanitaires de l’époque. On va même jusqu’à construire un mur au nord de la Durance pour éviter la propagation de l’épidémie dans le Comtat Venaissin. Peine perdue : les villes d’Avignon et d’Orange sont touchées en mars 1721. L’impuissance de la médecine de l’époque, la position ambigüe de l’Eglise qui considère la peste comme une punition divine, mettent la population dans une grande angoisse.
Pour lutter contre l'épidémie, l'église prône auprès des fidèles la pénitence, la prière pour apaiser la colère divine. Des messes, des processions sont organisées. Les fidèles invoquent des saints : saint Sébastien, saint Roch. On implore la Vierge.
Les consuls essaient de maintenir des mesures d’ordre et de sécurité.
Les consuls de Cairanne comme ceux des autres villages ont pris des mesures de précaution notamment pour limiter la circulation des biens et des personnes, la garde des portes, l’achat de vivres, l’organisation du transport des malades et des morts… Pour conjurer le mal et sa propagation, en septembre 1721, les consuls et les habitants de Cairanne font le vœu de construire une chapelle dédiée à saint Roch à la porte d’Autanne.
L’épidémie s’arrête en août 1722 aux portes de Camaret (sans trop d’explication). Forts de leurs vœux, les habitants construisent la chapelle par corvée avec beaucoup de péripéties, celle-ci s’étant effondrée au cours de la construction point1.

Origine du tableau

Devant la fin de la peste quasi miraculeuse et sans doute l’enthousiasme de la population, un certain de Chateaubrun se propose de faire le don d’un tableau représentant saint Roch à la chapelle en 1722point2 . C’est sans doute Jean Charles Fabry, seigneur de Chateaubrun, docteur en droit, qui habite une maison dans le vieux village aux serres point3 de l’église et qui décédera en 1727 à Cairanne. Ce tableau a dû rester longtemps accroché dans la chapelle puisque les crochets sont encore visibles dans l’abside. Puis il a été rangé à une date inconnue dans la sacristie de l’église paroissiale de Cairanne.

La légende de saint Roch

Saint Roch est né à Montpellier vers 1327. Au cours d’un pèlerinage en Italie, il contracte la peste à Plaisance et se réfugie dans une grotte où le chien du seigneur local lui apporte du pain régulièrement. Après sa guérison, il repart à Montpellier où il meurt en prison, pris pour un espion. Sa date de canonisation n’est pas connue. Son culte se répand dès la fin du XIVe siècle. Il fut l'objet d'une très riche iconographie, souvent à la suite d’épidémies de peste, les peintres, de la Renaissance au XVIIIe siècle réalisèrent des scènes avec les attributs de la légende de saint Roch : bâton de pèlerin, chien, pain, bubon point4 de la peste…

Description du tableau

La représentation de saint Joseph et de l’enfant Jésus associés à saint Roch est rare. On peut voir un lien avec la confrérie des Pénitents blancs de Cairanne qui est dédiée à saint Joseph point5 . À droite de la composition, saint Roch, vêtu en pèlerin, longue robe, manteau sur les épaules, bourdon ou bâton de pèlerin en main, lève vers saint Joseph et l’Enfant Jésus un visage illuminé. À genoux, un ange relève la robe du saint afin de soigner la plaie (ou bubon) qu'il porte à la cuisse gauche, représentant la peste. À ses pieds un chien qui porte dans sa gueule un morceau de pain. Caractérisé par la prédominance d’une scène aux nombreux contrastes de lumière où les rouges, les bruns et les bleus sombres dominent, on pourrait voir dans ce tableau une empreinte du Caravagisme point6 ou tout au moins une forte influence italienne en ce début de XVIIIe siècle.

État du tableau

Il s’agit d’une œuvre peinte à l’huile, fixée sur un châssis en bois probablement d’origine. L’œuvre est opacifiée par la présence de chancis et de moisissures, elle est également très encrassée. Cet aspect mat réduit la lisibilité de l’image et dissimule la présence de nombreux repeints épais et débordants. La couche picturale est composée d’une préparation rouge de plusieurs couches colorées fines et rigides. Cette préparation est peu stable sur son support en toile de tissage relativement fin (13 fils de trame, 12 fils de chaîne /m2) et très réactif à l’humidité. Ce manque d’adhérence provoque des chutes et un soulèvement de matière picturale sur toute la surface peinte, en particulier au niveau des montants et de la traverse.

Solution proposée point7

Il faut éliminer les rajouts pour retrouver les jeux de couleurs et les détails délicats. Il est préconisé tout d’abord une consolidation de la matière picturale très instable par un refixage intégral afin de supprimer mécaniquement des mastics anciens et d’éliminer des vernis et des repeints de natures diverses avec des solvants. Le châssis actuel est remplacé par un nouveau châssis réglable en tension. La réintégration des zones lacunaires de la couche picturale est effectuée par une retouche réversible à l’aide de peintures de restauration.

La peste

Il faut attendre 1894 pour qu’un médecin français, Alexandre Yersin, découvre l’origine de la peste : un bacille. Il met au point un vaccin antipesteux. Yersin met également en évidence le rôle des rats dans la transmission de la maladie. Et en 1898, un autre élève de l'Institut Pasteur, le Dr Simond, met en évidence le rôle de la morsure de la puce du rat dans la transmission de la maladie à l’homme. Mais ce n’est qu’après la dernière guerre, avec la découverte des antibiotiques que la peste sera efficacement éradiquée en Occident. Pourtant la peste continue à faire réfléchir. Albert Camus (1913-1960) l’a prise comme emblème du mal. Son roman « La Peste », publié en 1943, décrit les réactions des hommes et de la société face au mal, à la souffrance et à l'absurde dans un combat sans fin où Dieu est absent. Ce roman contribuera à son élection au prix Nobel de littérature en 1957.

Mécénat

Ce tableau a pu être restauré grâce à la générosité de la société Julien SA de Cairanne.
Le tableau est accroché dans l’église paroissiale.

Gérard Coussot

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point1  F. Alary, Quelques notes d’histoire sur Cairanne, page 37, 1966.

Source : association
La chapelle saint Roch


point2  ADV, cité dans le répertoire BB4. Le registre a disparu aujourd’hui

point3  Serre = colline.

point4  Gonflement des ganglions lymphatiques, en particulier ceux de l'aine.

Source : association
Le tableau avant restauration


point5 Merci à Bernard Hernandez de nous avoir signalé ce point.

point6 Caravagisme : courant artistique ayant pour origine le nom du peintre italien Caravage qui révolutionnât la peinture au XVIIe siècle par le réalisme des scènes et la violence des clairs obscurs.

Source : association
Le tableau aprés restauration


Source : association
Des membres de l’association accrochent le tableau


point7  Restaurateur d’art : Tiro Matsunaga, Avignon.



Summary:The plague is one of the greatest scourges in History. The 1721 epidemic begins in Marseille and extends all over Provence. This epidemic stops at 10 kilometers from Cairanne. To thank the Lord, the Cairannais build a chapel dedicated to saint Roch. A local nobleman donated a painting representing saint Roch which is restored today.

Mise à jour : le 2 mai 2024
webmaster : Gérard Jacques Coussot

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