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La chronique du mois de janvier 2016
Sainte Lucie ou le tableau mystérieux



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La commune de Cairanne possède un riche patrimoine de tableaux anciens entreposés dans l’église paroissiale. Ces tableaux conservés dans des conditions médiocres ont subi les épreuves du temps. Un programme de restauration est engagé par la mairie en partenariat avec l’Association ‘ Cairanne et son vieux village’. Des actions de mécénat sont engagées. Le premier tableau en cours de restauration est le tableau représentant Sainte Lucie. Cette restauration a pu être engagée grâce à la générosité de l’entreprise BETONS GRANULATS SYLVESTRE implantée à Cairanne. Le restaurateur Matsunaga d’Avignon a été retenu pour mener à bien ces travaux de restauration en accord avec la DRAC et l’archevêché d’Avignon, accord informel, ce tableau n’étant pas classé Monument historique.

Description du tableau
La tableau est de grande dimension : 226x175 cm. Il est particulièrement abîmé : un trou est dans la partie supérieure mais qui ne remet pas en cause la composition principale du tableau. Il représente trois personnages : à gauche un personnage avec une épée, au centre un personnage qui porte un plateau sur lequel reposent ses yeux, à droite un personnage en rouge tenant une palme qui représente un saint dans la tradition chrétienne. Les photographies en ultraviolet et en infra-rouge ont montré une petite anomalie de peinture sur ce personnage en rouge. La recherche aux Archives départementales de Vaucluse sur l’origine de ce tableau, ses restaurations éventuelles et sa présence dans l’église de Cairanne n’ont rien donné. Le premier nettoyage a montré une inscription en bas du tableau sur laquelle nous reviendrons. Il est admis qu’en absence d’informations historiques telles que la date de réalisation, le nom du peintre, les dates des différentes retouches, une restauration profonde du tableau peut être engagée 1.

Légende de Sainte Lucie et représentation iconographique
Il s’agit d’une représentation de sainte Lucie à partir du récit de sa vie qui présente de nombreuses variantes. Lucie vivait en Sicile au IVe siècle après JC. Après une guérison miraculeuse de sa mère, elle décide de vivre dans la chasteté et de se convertir au christianisme. L’homme qu’elle devait épouser n’apprécie pas cette attitude : elle lui amène ses yeux sur un plateau. Nouveau miracle, les yeux reprennent leur place. Cet homme la dénonce alors au consul romain qui après plusieurs supplices ordonne de l’égorger avec une épée. Elle est ensevelie à Syracuse puis son corps est transporté à Venise. Son culte se répand dans tout l’Occident. À partir du XIVe siècle, elle est habituellement représentée tenant à la main un plateau avec ses yeux, illustrant ainsi un épisode de la légende. Dans l’histoire locale d’Avignon, Sainte Lucie a été considérée comme la seconde patronne de l'église Saint Symphorien ; elle est également la patronne de la confrérie des couturières qui l’invoquent pour la conservation de leurs yeux. Cette confrérie payait cinq sous au chapitre 1bis de Saint Symphorien avant la Révolution.
De nos jours, on peut retrouver à Marseille et dans tout le bassin méditerranéen un coquillage dont la coque s’appelle l’œil de Lucie et qui aurait des vertus protectrices. L’Europe du Nord fête la Sainte Lucie le 13 décembre.

Restauration du tableau
Le personnage de centre représente Sainte Lucie, le personnage de gauche avec son épée pourrait représenter le consul romain, le personnage de droite en rouge n’est pas identifié.
Etape 1
La première opération a été de nettoyer la face arrière et de l’entoiler. Puis le principal travail était de retirer les couches de peintures des restaurations précédentes (au moins deux) ainsi que des couches de mastic et de cire . Cette opération se fait en partie au scalpel et prend beaucoup de temps. Surprise : le personnage de droite change de sexe : le saint en rouge devient une sainte en vert ! Pourquoi un tel changement de sexe ? Mystére ! Sainte Lucie semble préservée. Le personnage de gauche nettoyé n’a réservé aucune surprise.
Etape 2
Le trou dans la toile est comblé et une première impression a été faite dans le ton des zones environnantes. Le restaurateur a atteint la peinture primitive ou tout au moins le premier niveau de peinture. En effet les deux personnages de gauche semblent être de la même facture tandis que le troisième à droite est d’une facture différente plus ancienne. On peut imaginer le scénario suivant : un premier tableau a été peint à la fin du XVIe siècle ou au début du XVIIe siècle avec au moins le personnage de droite ayant les bras croisés.
Puis, pour des raisons inconnues, la partie gauche a été grattée, l’épaisseur de la toile étant plus faible dans cette partie-là. Les deux personnages actuels ont été rajoutés avec un éclairage venant de la gauche tandis que sur le personnage de droite était repeint un nouveau personnage en rouge, disparu aujourd’hui, en conservant uniquement le visage. Pourquoi avoir gratté la toile ? Evolution du goût, volonté politique, censure, recupération ?
Etape 3
Le travail du restaurateur consiste à atténuer les gênes visuelles en peignant les manques de peinture de façon à renforcer les zones de contraste. La superposition du tableau original et des transformations fondamentales avec au moins deux artistes différents ne permettent pas de retrouver le thème originel et l’harmonie de l’œuvre. Dans le passé, il y avait une tradition dans l’histoire de la peinture religieuse de ne pas effacer un saint ce qui pourrait expliquer la superposition du personnage rouge sur le personnage aux bras croisés.

L’inscription mystérieuse
Le nettoyage du tableau a révélé l’inscription suivante :
DONNE
PAR MBJH
LAMADIEU
PTRE 1808
PTRE doit signifier PRETRE
Nous sommes partis sur cette hypothèse. Le seul prêtre identifié dans les archives départementales de Vaucluse est Joseph Lamadieu2 (1741-1818) qui fut curé à la basilique St Pierre puis prêtre émigré à Rome pendant la Révolution et à nouveau curé et chanoine au chapitre St Pierre jusqu’à sa mort. Nous n’avons pas trouvé de lien avec la famille Lamadieu de Cairanne3.
À qui ce tableau a-il-été donné ? Comment se retrouve-t-il dans l’église de Cairanne ? Mystère !
Le tableau peut être vu dans l’église de Cairanne.

Gérard Coussot

Summary : The Cairanne's church has several old paintings in poor shape. A restoration programme has been set up thanks to sponsorships. The first painting to be restored represents Ste Lucie holding a tray with her eyes on it.The restoration in progess reveals a former painting which represents a woman in green dress instead of a man in red. Therefore the meaning of the painting is yet to be found. A mysterious writting dated year 1808 does not give any further clue about this painting.
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1 Voir Restauration/Derestauration de Guylaine Ruard sous Internet. Cet auteur développe tous les problèmes soulevés par la restauration d’une œuvre et les différentes écoles de restauration.
1 bis Chapitre : Assemblé locale que les religieux établissent pour gérer leurs affaires.
2ADV, 1G635, G823, 9G65,1Q134, 1Q113,1V8.
3Archives Communales de Cairanne.






Source : Association
Etat initiale du tableau




Source : Association
Etape 2 : niveau de base




Source : Association
Restauration finale




Source : Association
L'inscription mystérieuse



Mise à jour : le 13 mai 2024
webmaster : Gérard Jacques Coussot