Ce sujet est abordé dans plusieurs dossiers aux Archives départementales de Vaucluse et
aux Archives nationales à Paris. Nous avons essayé de reconstituer le puzzle !
Nouveau groupe scolaire
En 1889, la construction d’un groupe scolaire au pied du village, au Pontet, commence. Jusqu’à cette date l’école des garçons est dans la salle du donjon et l’école des
filles dans l’ancien hospice, situés dans le haut village. Ce transfert soulève des protestations car trop éloigné du haut village pour certains.
La municipalité du moment découvre alors que cette nouvelle école, prévue pour cent cinquante élèves, n’a aucun point d’eau et qu’il faut aller chercher
l’eau dans des puits avoisinants.
Source souterraine
La municipalité cherche une solution et trouve une possibilité à partir d’une source souterraine à trois mètres de profondeur située au pied du village
au sud-est près du Rieu .
Un projet est proposé pour capter l’eau et la conduire par une canalisation jusque sur la place en face de l’école. En 1890, l’agent-voyer de Vaison fait un rapport,
quelque peu présomptueux, en précisant que l’eau lui a paru de bonne qualité (!). Il présente trois trajets différents de canalisation depuis cette source avec les
devis correspondants. Il propose une solution moins chère : creuser un puits avec une pompe dans la cour de l’école. « …l’inconvénient dont parait se préoccuper le conseil
municipal à cause des latrines qui se trouvent à côté. D’ailleurs on peut creuser un puits à une distance de 15 mètres au moins des latrines où les infiltrations ne pourraient
pénétrer… ».
Dans sa sagesse, le Conseil municipal ne donne pas suite…
Protestations
Cette initiative d’avoir un point d’eau pour les écoles soulève de nombreuses protestations et des pétitions circulent entre le haut village et le bas village.
Le haut village n’a qu’un puits privé de 38 mètres et il faut aller chercher l’eau à la fontaine au pied du village à l’ouest .
Le risque d’assèchement de cette fontaine
est mis en avant. Une lutte des classes se profile entre les « nantis du Pontet avec leurs 14 puits et les parias d’en haut du village qui mourront de soif ! ».
Le coût du projet fait aussi débat. La politique locale s’en mêle avec « les conservateurs élus grâce à l’appui des républicains d’en bas… là-haut l’élément républicain
domine…».
Un projet sérieux abandonné
En 1892, un projet sérieux est proposé par un architecte de Vaison, déposé aujourd’hui aux Archives nationales. Le dossier est bien argumenté, une analyse d’eau est faite
par un pharmacien qui la déclare potable.
Apparemment quelques travaux sont menés : un barrage est établi sur le Rieu au niveau de la source mais cela entraine un procès fait par les riverains que la municipalité perd.
En 1896, le maire informe le sous-préfet que le projet est abandonné, les eaux étant non potables, une autre solution ayant été trouvée sans préciser laquelle !
Nouvelle tentative pour amener l’eau aux écoles
En 1901, le projet resurgit, une carte est présentée très voisine de celle de 1893. Nouvelle lutte de classe. Le député de Vaucluse, Paul Faure, interpellé, courageux,
botte en touche en écrivant au préfet de Vaucluse : « Voici une affaire ennuyeuse et délicate que je confie à votre main si experte, il s’agit d’une question qui divise
la commune de Cairanne, le Haut Cairanne et le Bas : les fontaines…».
Pour calmer les esprits, la municipalité du moment propose aux habitants du haut Cairanne de creuser un puits public de 40 m.
Les rapports se succèdent : rapport de l’ingénieur ordinaire, rapport du géologue, rapport du conseil d’hygiène, rapport du ministère de l’Agriculture…; en 1903,
une enquête publique est lancée pour déclarer l’utilité publique des deux projets. L’instituteur du moment, Charles Affre , le premier concerné, insiste sur l’utilité du
projet mais aussi sur son souci de présence des enfants à l’école, préoccupation constante des instituteurs de cette époque :
« Le manque d’eau aux écoles nuit à la fréquentation des élèves ( ?)… Les élèves sont obligés d’aller chercher dans les puits voisins une eau qui ne présente pas tant sans
faut les qualités qu’on est en droit d’exiger des eaux destinées à l’alimentation sans compter les grands accidents auxquels les enfants sont exposés…».
Le 23 octobre 1903, l’utilité publique est publiée, les riverains touchent des indemnités pour la traversée des canalisations sur leurs terrains et les travaux peuvent commencer !
Le 5 juin 1905, le puits du haut Cairanne est terminé.
Le 28 juin 1906, réception des travaux du lavoir et des deux fontaines au Pontet.
Il aura fallu seize ans pour que les écoliers aient accès à l’eau d’une fontaine sur la place et encore en dehors de l’école !
Cette fontaine coule toujours aujourd’hui.
Gérard Coussot
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  ADV, 2028-4, 2022-5, 302, 2MN2.
  AN, F8 206 dossier III.
Source : collection Nicole Delubac
La fontaine et le lavoir autrefois
  Près du gîte le Florilège, chemin de la Gayère.
  Ruisseau qui traverse le Pontet.
  Aujourd’hui la DDE.
Source : AN
Projet de 1892 : la flèche noire correspond à la « Petite Jeannette », le rond rouge à la position de la source souterraine et la flèche rouge à
la position de la fontaine devant les écoles.
 Le chemin de la fontaine existe toujours.
Source : ADV Projet de 1901 :
dans le rond la prise d’eau, la flèche rouge du bas indique la position de la fontaine et du lavoir (sur le place), la flèche du haut une autre fontaine (près de la Poste)
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