C’est grâce à des legs successifs que l’hôpital de Cairanne a été fondé et a pu assurer dans le temps sa mission envers les malades du village.
Une recherche dans les dossiers conservés aux archives départementales du Vaucluse a permis de repérer trois importantes donations en 1731, 1763 et 1808.
Il est à remarquer qu’à chaque fois les autorités locales se réfèreront aux autorités supérieures dont dépend le village pour obtenir le droit de gérer les biens légués au mieux des intérêts de l’hôpital. Il pourra s’ensuivre de longues tractations qui mettront parfois en lumière la lourdeur des circuits administratifs…Peut-être une vieille tradition française…

Premier legs :
Le 24 avril 1731, devant Me Felix Guilhaume Gouion (ou Goujon), notaire à Ste-Cécile, le sieur Joseph Michel, « menager (1) a cayranne », a fait un testament par lequel il « laisse ses biens et héritage pour fonder un hôpital pour l’entretien et soulagement des pauvres malades dudit lieu ».
En 1742 (fondation réelle de l’hôpital), lettre de Joseph Roux et François Fabre, consuls modernes du lieu de Cayranne, conjointement avec noble Esprit Vitalis, député de la communauté, qui est une « supplication » :
A Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime évêque et seigneur de Vaisons et autres places. Afin de vendre tous les dits biens, à la meilleure condition qu’il se puisse, à l’exception de la maison du testateur. (Car les dits biens se déprecient journellement, au très grand préjudice des dits pauvres, faute des réparations et des soins des cultures qu’il serait nécessaire d’y faire et qu’il serait d’une plus grande utilité et avantage pour les dits pauvres.)
La maison provenant des Biens fonds de l’hoirie du Sieur Joseph Michel (….) est située rue d’Autane (2), confrontant, du levant les murailles publiques, du « midy » la dite « rüe », du couchant l’écurie du Sieur Jean Joseph Rouvière, et de bise, la maison de Mr Tranchier et les autres.
Il s’agit bien de la maison toujours appelée dans la mémoire collective : « l’ancien hôpital » de Cairanne.

Deuxième legs :
Le 1er février 1763 Messire Gaspard Besson, prêtre et curé de Cairanne, lègue un certain nombre de biens par testament devant Me Gasparin,
- Une grange, hors et proche les murailles dudit lieu avec ses terres y contigües, d’environ dix- huit éminées (3), confrontant de deux parts les chemins publics, du couchant petit viol, de bise terre des hoirs de Mr André Delubac et les autres
- Plus une terre au cartier St-Andeol d’ environ deux saumées (4)….confrontant les terres de Mr Vitalis, du Sieur Nicodet et Gondran …
- etc
Le 27 janvier 1771, délibération du conseil ordinaire de la communauté (en présence des consuls) sur la vente des biens de l’hôpital provenant du testament de Messire Gaspard Besson, et consistant en une petite grange et son « tènement (5) » de terres, etc… Demandent aux recteurs dudit hôpital d’accélérer la vente et de se procurer la permission de nos seigneurs supérieurs. Cela aboutira à une lettre de Louis XV, en personne ! (6)
Lettres patentes du Roi qui permettent la vente des biens fonds de l’hopital de Cayranne.
Louis par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, Comte de Provence forcalquier et terre adjacentes a tous présents et a venir salue nos chers et biens aimés les administrateurs de l’hopital établi au lieu de Cayranne dans notre comté venaissain nous ont très humblement fait représenter que conformément aux loix usitées dans le comté de la communauté voulant donner aux exposants des preuves de bienveillance et de notre justice….notre plaisir et afin que ce soit chose ferme et stable nous avons fait mettre notre tel accord presentes. Donné à Versailles au mois …l’an de grâce mil sept cent soixante douze et de notre règne le cinquante septième Louis

Troisième legs :
Le 14/12/ 1808, Donation (devant Me Gaudibert) de Pierre Christophe Colomieu, prêtre de Cairanne « ou il est né, pour le soulagement des pauvres malades qui sont soignés dans l’hospice civil de Cayranne duquel je désire d’en accroitre les revenus et ……en outre …….pour le maintien de la religion catholique apostolique et romaine … et sous l’.autorisation du gouvernement français impérial signé hipolite Amédée Dumas, maire actuel de ladite commune administrateur. Et Messieurs antoine jullian, barthelemy andré, pierre ganichot, baptiste baumet, joseph fidelle tranchier, tous les cinq administrateurs nommés par le gouvernement impérial.
Décret impérial du 6/5/1811 qui autorise l’hospice de la commune de Cairanne à recevoir un legs de 2400 monoy tournois fait par le révérend père pierre christophe Colonieu,ci-devant provincial de l’ordre des pères de la doctrine chrétienne … signé Napoléon Empereur des français, Roi d’Italie, protecteur de la confédération du Rhin, médiateur de la Confédération suisse….
Bref, un évêque, un roi, un empereur sont intervenus directement dans la vie de l’hôpital de notre village !
Un prochain article donnera des précisions sur la fin de l’activité de l’hôpital.
Claude André Moisdon

(1) Menager : (terme usité en Provence) paysan qui travaille sa terre et ne se loue pas.
(2) rue d’Autanne : nom historique de la rue récemment baptisée « montée de l’hospice ».
(3) Eminée : mesure de superficie égale au huitième d’une saumée (voir ci-dessous).
(4) Saumée : carré de 40 arpents soit environ 79 ares (décrit par Olivier de Serres en 1605).
(5) Tènement : réunion de terres et de bâtiments d’un seul tenant.
(6) De 1768 à 1774, le Comtat Venaissin est occupé et administré par le Roi de France.

Note :
Dans cette chronique, Claude André Moisdon nous parle du 'nouvel hôpital' de Cairanne (vers 1770 – 1952) qui a succédé à un hôpital existant, également dans le vieux village. Les visites pastorales de l’évêque de Vaison¹ en 1668 et 1749 décrivent l’hôpital comme une vieille maison consistant en trois membres (pièces) mal tenus et l’évêque rappelle aux recteurs et consuls leur devoir de l'entretenir, apparemment sans grand succès! Le cadastre² de 1702 cite l’hôpital, ou maison des pauvres, situé à l’ouest dans le vieux village. D’importants travaux de « mise à niveau » du «nouvel hôpital » sont entrepris³au cours de l’année 1768 : maçonneries, fenêtres, toitures, intérieurs sont refaits ou consolidés. .
¹ AD Vaucluse, 6G28/ ² AD Vaucluse, ACCairanne, CC2/ ³ ADVaucluse, EtudeBON, 3E70-244
G.Coussot