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La chronique du mois de février 2015
1805 : Guéguerre Ste Cécile-Cairanne



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Les Archives Nationales 1 à Paris ont un curieux document concernant la délimitation des limites de la commune de Cairanne .
A la Révolution française, les paroisses deviennent des communes tout en gardant leurs délimitations. C’est ce qui se passe pour Cairanne et Sainte-Cécile jusqu’à l’an 13 (1805).
A cette date, le maire de Sainte-Cécile, Joseph Artaud, convainquit le maire de Cairanne à l’époque, Michel Marguerit, de lui céder le territoire de Cairanne situé de l’autre côté de l’Aygues (Gallifet, Caffin, la Béraude). L’argument officiel est que cela aurait formé une limite naturelle et invariable.
Des Cairannais se rebellent et rédigent un mémoire envoyé au Préfet le 26 aout 1805 qui se retrouve bien vite sur le bureau du Ministre de l’Intérieur, dont voici quelques extraits :

Monsieur le maire de Sainte Cécile plus zélé pour l’intérêt de son pays écrivit au maire de Cairanne se s’y rendre (sur le terrain) pour procéder à la liquidation des limites des territoires de Sainte Cécile avec celui de Cairanne. Le maire de Cairanne s’y rendit avec une recommandation bien précise de ne céder à rien, de même de rien signer sans y être autoriser par le Conseil Général de la commune……
Comme le maire de Cairanne est si bon qu’il n’est bon à rien et que par ailleurs sa fortune ne pourrait y être intéressée, se laissa gagner par le maire de Sainte Cécile à lui céder une partie des terrains de Cairanne sur lequel se trouvent trois gros bourgs…. M Drugat directeur des Contributions directes de l’arrondissement d’Orange était présent à Sainte Cécile lorsque le maire eut la simplicité de céder cette partie de terrain. Il n’avait pas voulu signer, voyant l’injustice que l’on faisait à la commune de Cairanne…. La commune demeurait calme mais elle vient d’apprendre par bruits publics que le maire de Sainte Cécile avait dit que le terrain cédé par le maire de Cairanne serait définitivement joint et annexé au territoire d’après le plan envoyé au gouvernement et qu’il serait définitivement approuvé….


Les signataires développent les inconvénients d’une telle cession :

Premièrement, les particuliers qui ont des propriétés dans cette partie du terrain seraient obligés d’aller payer à Sainte-Cécile au lieu d’aller payer dans leur propre pays.
Secondement Cairanne serait privé du depaitre (?) pour leurs bestiaux dans cette partie.
Troisièmement, le percepteur qui a cautionné serait privé de sa recette.
Quatrièmement Monsieur le curé perdrait une partie de son Casuel.2
Enfin nous enlever cinq à six cents toises de la dite rivière pour nous couper du peu d’eau qui nous reste……
Suivent les signatures de 42 habitants de Cairanne.
Devant une telle protestation, le 19 novembre 1805, le Préfet du Vaucluse écrit au Ministère de l’Intérieur l’informant qu’il ne sera pas donné suite aux prétentions du maire de Sainte-Cécile et que la délimitation reste telle qu’elle avait toujours existé.
Curieusement le nouveau maire de Sainte-Cécile, Gaspard Saussac, semble persévérer !
Le 24 septembre 1817, le nouveau maire de Cairanne, Pierre de Vitalis, prudent, écrit au sous-préfet d’Orange en ces termes3 : J’ai l’honneur de vous donner connaissance que le maire de Sainte Cécile m’ ayant invité à me rendre aux confins du territoire de la commune de Cairanne au-dessus du château Gallifet, propriété aujourd’hui du sieur Juge, pour déplacer les limites que les mains de l’homme ou le temps avaient abattues, je m’y suis rendu le 21 du courant et avec Monsieur le maire de St Cécile, nous avons découvert que toutes ces limites avaient été dévastées, qu’une troisième avait été coupée, une quatrième et une cinquième avaient été infiniment appuyées du coté du nord, mais attendu que cette opération en partie majeure s’agissant du bornage de deux communes, je n’ai pas voulu m’en charger. Je voudrais vous prier de vouloir bien à cet effet commissionner deux départiteurs l’un pris dans la commune de St Cécile, l’autre dans la commune de Cairanne et de leur donner comme indicateur le Sieur Bramond Ambroise lequel a de toute sa vie était fermier au domaine dit de Gallifet dans laquelle propriété ces limites sont placées et pourraient nous apprendre comment ces limites sont tombées. Il serait peut être bon que le sieur Juge propriétaire de ce terrain fut appelle et qu’il assiste à cette opération. J’ai l’honneur…….
La suite n’est pas connue. Il n’y a plus rien dans les archives à ce sujet.
La guéguerre est terminée !

Gérard Coussot

Summary : The Archives Nationales in Paris have quite an interesting file regarding the Cairanne limits. In 1805, the mayor of Ste Cécile asked the mayor of Cairanne to transfer the ownership of Cairanne West banks of the Aygues river to Ste Cécile. Forty two inhabitants of Cairanne were against this transaction and sent a petition to the Prefect and the Home secretary in Paris, explaining the situation. In order to maintain peace in the village, the Prefect stopped the transaction. Fifteen years later, a new debate rose on the limits but the Cairanne mayor was very cautious and let experts solve the problem.

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1Archives Nationales, F2(II), Vaucluse1
2Casuel : revenus perçus par un prêtre à l'occasion de cérémonies religieuses : baptême, mariage, extrême-onctions, messes,..
3 Archives départementales du Vaucluse
Carte des limites de la commune de Cairanne



Source : Archives communales de Cairanne

En rose, le territoire revendiqué par Sainte-Cécile.


Signataires du mémoire

Source : Archives Nationales

Beaucoup de Cairannais retrouveront leur ancêtre.
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